
Le 17 septembre 2024, lors du Space à Rennes, le Groupe permanent de sécurité électrique dans les élevages (GPSE) a tenté d’ouvrir le débat sur sa mission d’expertise.
Jamais, depuis sa création en 1999, le GPSE ne s’était prêté à un tel exercice d’ouverture. Mais les critiques émises à son égard lors de la dernière enquête du CGAAER (1), ont conforté sa mauvaise réputation auprès des éleveurs. « Nous sommes là pour vous écouter mais aussi pour aller plus loin », assure Daniel Roguet, son président. Face à lui, une salle pleine à craquer et des retardataires en pagaille, coincés dans le couloir. Signe du dégel : l’association Animaux sous Tension (Anast), ostracisée depuis sa naissance en 1993, a été conviée à cette rencontre. « Nous ne pouvons plus tenir, nous sommes aujourd’hui très limités », reconnaît Daniel Roguet. Et parmi ces limites, la plus décriée : le manque d’indépendance.
De son indépendance
Ne disposant pas de fonds propres, le GPSE doit en effet compter sur le bon vouloir des compagnies électriques (nucléaire, éolien, solaire) pour financer les expertises dans les exploitations agricoles suspectant un problème électrique. « Nous ne sommes pas parfaits, mais ce que nous apportons à l’éleveur au cours du protocole de suivi d’un an est crucial », souligne Daniel Roguet. « Ce financement peut sembler suspect, mais nous, intervenants du GPSE, sommes indépendants », assure Jean-François Labbé, vétérinaire dans les Côtes-d’Armor et expert auprès du GPSE. Cette neutralité, réclamée par les victimes, est en réalité entre les mains de la puissance publique qui a mis sur pied le GPSE. Or, l’État n’a jamais envisagé de subventionner le fonctionnement de cet organisme, laissant la pleine responsabilité aux opérateurs électriques sous mission de service public. « Quand il y a un problème avec une ligne à haute tension, c’est à EDF de trouver la solution », disait à son époque François Gallouin, le premier président du GPSE (1999-2014). Depuis, les acteurs publics ont été rejoints par les promoteurs privés des énergies renouvelables. « Nous avons moins de voix auprès d’eux », admet Daniel Roguet, tout en avouant sa peine à faire remonter les problèmes du terrain. « Je me heurte à l’État.»
Des études de sous-sol
Les débats sont vifs autour de l’éolien. « Tout se passe en force ! », dénonce Florence Verheyen, éleveuse de bisons dans la Creuse. « On implante des parcs au-dessus des nappes phréatiques alors que nous savons que l’eau est conductrice et qu’il y a danger ! ». L’absence d’études du sous-sol est pointée du doigt. « Chez moi, les vaches en pâture refusaient de boire dans les bacs à eau. Les ensilages s’échauffaient à 37,5° pour le maïs, 55° pour l’herbe ! Et comme par hasard, au-dessus d’une faille », témoigne Céline Bouvet. L’éleveuse a cessé son activité laitière après dix ans de recherche vaine sur l’origine des problèmes sanitaires apparus avec la création du parc éolien de Nozay (Loire-Atlantique) en 2012. « Nous avons en effet quelques cas de comportements anormaux en pâture », abonde Jean-François Labbé. « Mais nous n’avons pas d’éléments spécifiques qui les relient à un problème électrique, ni d’études ». Le GPSE a cependant obtenu un budget privé pour mener une étude des sols et des vents dans une ferme concernée par ce type d’anomalie.
Délocaliser les fermes impactées
En attendant, « que fait-on de ceux qui n’arrivent pas à vivre à côté de ces ouvrages ? », interroge Frédéric Salgues, ex-éleveur laitier en Haute-Loire, ayant cessé son activité après la mise en route d’une antenne-relais. « Quand le GPSE quitte une ferme sans avoir réglé les problèmes, c’est un abandon des familles. Et, c’est dramatique », plaide à son tour François Dufour, ancien porte-parole de la Confédération paysanne et initiateur du GPSE en 1999. « Tous les mois, nous recevons des appels d’éleveurs en difficulté », poursuit Hubert Goupil, président de l’Anast. « Leur nombre est disproportionné comparé au peu d’avancées scientifiques. » Des recherches sont pourtant annoncées depuis un an, sous l’égide de l’Inrae. Mais les financements peinent à se concrétiser. « En 2024, l’Ademe(2) a lancé un programme de trois ans pour étudier l’impact des éoliennes à proximité des exploitations », annonce David Pereira, directeur délégué du GPSE. Une expérimentation est en cours dans une ferme expérimentale des Pays de la Loire sur l’harmonisation des méthodes de mesures électriques. « Ces travaux conduiront sans doute à une révision des seuils », commente Jean-François Labbé. L’État, lui, a trouvé une nouvelle parade. « Si au terme du protocole GPSE, aucune solution n’a été trouvée, RTE accompagne le déménagement de l’exploitant. C’est un engagement inscrit dans le contrat de service public État/RTE », explique le représentant de RTE devant une salle abasourdie. Délocaliser les fermes en difficulté, situées sous les lignes à haute tension, devient donc une mission de service public en France.
Nathalie Barbe
(1) « Caractérisation de l’impact sur les activités d’élevage des antennes téléphoniques, installations électriques et éoliennes.» Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Mai 2024.
(2) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro d’octobre 2024.