Dermatose en Savoie : l’abattage total contesté

Mobilisation devant la préfecture de Chambéry, 24 juillet 2025.

La procédure d’abattage total mise en œuvre en Savoie pour stopper la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) suscite colère et contestation. Au 28 juillet, 47 foyers d’infection étaient confirmés.

Détectée le 21 juin en Italie, la dermatose a gagné les Savoie le 29 juin. La Suisse, indemne, vaccine massivement les bovins de plusieurs cantons limitrophes : Genève, Vaud, le Valais. Transmise par les insectes, la maladie fait fi des frontières. « Les facteurs favorisant son expansion sont forts, au premier rang desquels, le réchauffement climatique, la multiplication des échanges internationaux (qui véhiculent les mouches porteuses), la fragilité de la résistance immunitaire des animaux souvent poussés par des stratégies productivistes occidentales », énoncent dans un manifeste publié le 18 juillet sur le blog de Médiapart plusieurs voix citoyennes, associatives et syndicales, dont la Confédération Paysanne et l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA). « Il est urgent de construire une vraie politique sanitaire basée sur l’anticipation et non la réaction. Et de mettre fin à ces abattages massifs qui traumatisent les éleveurs et la population », somme urgemment cette association dédiée à la protection des animaux de ferme.

Préserver le patrimoine animalier

L’abattage total imposé dans plusieurs élevages savoyards infectés suscite colère et consternation, bien au-delà du monde agricole. Cette solution administrative et étatique met en péril une identité locale, une génétique bovine propre à ce territoire fromager qu’il sera difficile de reconstruire après la destruction entière d’un troupeau. Sans parler du préjudice moral et financier. « Éradiquer un troupeau pour un cas confirmé, c’est aberrant ! », s’emporte Christian Convers, co-président de la Coordination rurale des Savoie devant les caméras de France 3. « Il faut deux générations pour avoir un troupeau de haut niveau et aujourd’hui, on n’a plus ces animaux sur le marché pour reconstruire un troupeau. » En Sardaigne, où le premier cas italien a été détecté en juin, la présidente de Région a souligné ce difficile équilibre entre solution sanitaire radicale et protection de l’identité locale. « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger le patrimoine animalier de l’île », a assuré Alessandra Todde.

Au Pays basque, une alternative à l’abattage total

Face à la multiplication des épizooties, la prévention s’est peu à peu imposée comme un outil supplémentaire de gestion de la politique sanitaire en Europe, rappelle la sociologue Laura Martin-Meyer(1). Cela s’est traduit par la mise en place de « l’abattage de tous les animaux, même sains, situés à proximité des foyers d’infection. » Une stratégie à laquelle le Pays basque, frappé par des cas de tuberculose en janvier 2024, s’est fortement opposé, obtenant la mise en place d’un protocole expérimental dérogatoire chez Philippe et Sophie Sicre, éleveurs de gasconnes à Espès-Undurein(2). « La nature des lésions, classées C3, plaçait dès lors la ferme sous le coup de l’abattage total », explique le syndicat ELB (Euskal Herriko Laborarien Batasuna), entré en lutte aux côtés de cette famille pour obtenir des autorités la mise en place d’un « protocole de gestion alternatif permettant de sauvegarder un noyau de vaches transhumantes et de préserver la génétique. » Après une forte décapitalisation, le troupeau a été soumis pendant presque un an à des tests successifs, à intervalle régulier. « Finalement, une seule vache, la première testée positive et abattue le 18 janvier 2024 était infectée par la tuberculose bovine. Le protocole alternatif a permis de sauver une partie du troupeau : 32 vaches et 10 génisses », se réjouit le syndicat basque, proche de la Confédération paysanne. Le 12 juin dernier, ce petit troupeau préservé a pu « reprendre le chemin de la montagne pour aller passer l’été dans le Haut-Béarn. » La réussite de cette alternative à l’abattage total montre qu’il est possible de proposer des solutions humaines et acceptables aux élevages infectés.

NB

(1) « Abattages préventifs : Et si on rectifiait le tir ?», Laura Martin-Meyer. Revue Sesame-2022.

(2) Lire « Tuberculose bovine : contre l’abattage total», Grands Troupeaux Magazine N°124 mars 2025.

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