La ferme France poursuit son redressement

Le résultat net de la branche agricole par actif non salarié aurait progressé de 18,3 % en 2018. Le lait et la viande bovine restent en retrait.

La Commission des comptes de l’agriculture de la Nation s’est réunie le 18 décembre 2018 pour examiner les résultats des exploitations agricoles en 2017 et la situation économique prévisionnelle de l’agriculture en 2018. Les comptes prévisionnels de l’INSEE pour l’année 2018 anticipent une progression de la valeur de la production agricole (+4,7 %) dans un contexte d’évolution favorable des prix (+3,4%), indique un communiqué du ministère de l’agriculture. Les évolutions seraient toutefois contrastées selon les secteurs. La production viticole se redresserait fortement, après une année 2016 très défavorable, tandis que les récoltes seraient en repli pour les autres productions végétales (affectées par la sécheresse), qui bénéficieraient toutefois d’une évolution favorable des prix (hors betteraves et oléagineux). Les productions animales baisseraient légèrement en valeur, avec une stagnation des volumes et des prix en baisse pour les porcins. Les dépenses en intrants des exploitants agricoles augmenteraient légèrement (+1,7 %) sous l’effet du renchérissement de l’énergie. Après prise en compte des subventions d’exploitation et des impôts à la production, la valeur ajoutée au coût des facteurs par actif augmenterait de 6,7 % en brut et de 9,8 % en net (après déduction des amortissements). Le résultat net de la branche agricole par actif non salarié – que l’on désigne couramment comme le « revenu agricole » – aurait progressé de 18,3 %, précisent les comptes nationaux prévisionnels de l’agriculture en 2018.

Lait : + 0,4 % en valeur

La production animale est stable en volume. Pour le bétail, elle fléchit (-0,9 %), notamment pour les veaux (-4,5 %) et les ovins et caprins (-1,5 %). La production de gros bovins s’effrite (-0,1 %) alors que les prix s’apprécient légèrement (+1,1 %). La production d’œufs recule (-3,4 %) et la collecte de lait varie peu (-0,2 %). La production de volailles se redresse de 6,4 %, après une année 2017 marquée par l’épizootie d’influenza aviaire (-4,8%). Après une augmentation en 2017, le prix de la production animale (hors subventions) diminue (-1,2%) en 2018 à cause de la chute du prix du porc (-12,4 %). Le prix du lait se stabilise (+0,7 %), après la forte remontée de 2017 (+11,1 %). Au final, la valeur de la production laitière progresse à peine (+0,4 %) en 2018. Le prix des œufs baisse (-4,4 %) après la flambée de 2017 liée à la crise du Fipronil.

2017 : un résultat moyen de 27 000 €

Selon les observations du réseau d’information comptable agricole (RICA), les résultats des exploitations agricoles s’étaient déjà redressés en 2017 après une année 2016 très défavorable : le résultat courant par actif non salarié dépasse 27 000 euros en moyenne et retrouve un niveau proche de celui observé sur longue période. Les évolutions sont néanmoins contrastées selon les productions. Les résultats progressent fortement pour les exploitations de grandes cultures après avoir été exceptionnellement déficitaires en 2016 ; ils diminuent en revanche pour la plupart des autres productions végétales dans un contexte de baisse de certaines productions suite aux accidents climatiques (viticulture notamment). En productions animales, les résultats s’améliorent nettement pour l’élevage bovin laitier dans un contexte de remontée du prix du lait : le résultat courant avant impôts par actif non salarié s’établit à 26 900 € (+74 % par rapport à 2016 et +45 % par rapport à 2015). En bovins viande, le résultat moyen par actif non salarié ne dépasse pas 17 700 €, en baisse de 12 % par rapport à 2016. « En 2017, comme depuis 2007, les résultats de cette orientation demeurent faibles », souligne le ministère de l’agriculture.

LES REACTIONS

« De la valeur est détruite depuis 15 ans » (FNSEA)

« Derrière une progression du résultat de la branche estimée à 9,4% se cache une réalité très différente, où le rattrapage de certains vient masquer les autres variations, avec des filières qui sont particulièrement affectées », souligne la FNSEA dans un communiqué du 18 décembre. « Plus problématique encore, ces comptes montrent que la valeur ajoutée de la branche agricole est structurellement en baisse en termes réels, c’est-à-dire déduction faite de l’inflation. Malgré les efforts des agriculteurs pour améliorer la qualité des productions et répondre aux attentes du marché, on constate que de la valeur est détruite depuis 15 ans. Cette pression sur les producteurs agricoles n’est plus acceptable. C’est tout l’enjeu de la concrétisation des États Généraux de l’Alimentation avec la construction du prix payé au producteur « en marche avant ».

« L’élevage sous le seuil de rentabilité » (CR)

« Le secteur de l’élevage demeure en dessous d’un seuil normal de rentabilité », estime la Coordination rurale (CR) dans un communiqué du 18 décembre. « Les cours sont en repli, la valeur de la production animale baisse (-1,2 %) : les volumes stagnent, tandis que les prix reculent (…) Pour les gros bovins, la hausse des prix est due à des cours corrects en début d’année 2018, mais, depuis des mois, ils ne cessent de se tasser à cause de la sécheresse et la décapitalisation. La sécheresse aura eu un impact non négligeable en 2018 sur les marges des éleveurs laitiers, notamment à cause de la flambée des cours des aliments. De manière globale, les coûts de production, en lien avec la hausse du coût de l’énergie, ont augmenté en moyenne de 12,5% de janvier à juillet 2018 par rapport à 2017, quand, sur les neufs premiers mois, le prix du lait standard n’a augmenté que de 1,5%… »

« Des moyennes sans signification » (CP)

« Les comptes prévisionnels de l’agriculture 2018 mettent en lumière un revenu agricole moyen (très moyen : pour des détails par production, il faudra attendre juillet) qui évolue plutôt favorablement depuis 2017 mais après des campagnes 2015-2016 qui ont été véritablement catastrophiques », note la Confédération paysanne (CP) dans un communiqué du 18 décembre. « On peut regretter l’absence de résultat par orientation technico-économique des exploitations (OTEX) et par taille : les chiffres présentés sont des moyennes qui ne signifient pas grand-chose puisqu’on ne peut pas entrer dans le détail des situations. » La CP déplore que « le système ne mesure pas – pour une question financière, nous dit-on – le revenu des petites fermes. Elles sont absentes d’un outil d’observation incapable d’appréhender l’agriculture française plus finement. »

« L’essentiel des impacts négatifs de la sécheresse pourrait se manifester en 2019 » (APCA)

Les éleveurs ont évolué « dans des marchés très contrastés en 2018 », constate l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) dans un communiqué du 18 décembre. « Les marchés des éleveurs de bovins connaissent un mieux en 2018 : hausse de la consommation intérieure de viande bovine, et des tensions réduites sur les marchés européens et mondiaux de produits laitiers. Pour l’ensemble des filières, même si l’effet de la sécheresse de 2018 a été parfois un peu amorti par les différentes stratégies d’alimentation mises en place cette année, l’impact a toutefois été fort dès le second semestre 2018. Cependant, on peut penser que l’essentiel des impacts négatifs de la sécheresse pourrait se manifester en 2019. L’autre facteur expliquant le redressement significatif du résultat est lié d’une part à un coup de frein sur les charges, et, d’autre part, à un ralentissement de l’investissement, tendance structurelle qui n’est que peu perceptible à court terme dans la trésorerie des exploitants agricoles (…) À cela s’ajoute un autre motif d’inquiétude pour les prochains mois. Outre les conséquences de la sécheresse, la remise en cause des exonérations de charges sur l’emploi salarié pourrait grever durablement le résultat agricole. Ainsi, en dépit de la hausse du résultat, les agriculteurs auront sans doute un ressenti différent. »

BC

A télécharger :

Les comptes prévisionnels de l’INSEE pour l’année 2018 (18 décembre 2018)

Les comptes nationaux prévisionnels de l’agriculture en 2018 (Insee, 18 décembre 2018)

Les résultats économiques des exploitations agricoles en 2017 (ministère de l’agriculture, 18 décembre 2018)

Bilan conjoncturel 2018 (ministère de l’agriculture, 20 décembre 2018)

La Cour des comptes juge très sévèrement la Pac (10 janvier 2019)

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