« Lactalis a basculé sous Sodiaal »

Le prix du lait tarde à traduire la hausse des coûts de production et l’amélioration des marchés mondiaux, ont déploré, le 4 septembre à Paris, les dirigeants de la FNPL.

« Le rapport Chalmin , le 19 juin dernier, constatait que les producteurs de lait avaient du mal à sortir la tête de l’eau après deux années de crise. Cet été, les conditions climatiques n’ont fait qu’aggraver la situation. Nous avons entamé les stocks d’hiver. Les prix de la paille et de la luzerne ont été multipliés par deux. Les céréales aussi ont renchéri. Nos coûts de production s’en ressentent mais cela ne semble pas émouvoir grand monde parmi les transformateurs », a expliqué en substance Thierry Roquefeuil, éleveur de vaches laitières et de vaches allaitantes dans le Lot, et président de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait), le 4 septembre devant la presse.

« Glaciation des tarifs »

Les bonnes résolutions – rééquilibrage des marges au sein de la filière laitière, montée en gamme – issues des Etats généraux de l’alimentation vont-elles passer l’été, s’interroge la FNPL. Son secrétaire général, André Bonnard (Loire), constate « une glaciation des tarifs pendant la canicule. C’est sidérant de constater que les prix baissent alors qu’ils devraient augmenter. C’est un vrai marché de dupes. Le beurre a retrouvé un prix élevé tandis que la poudre de lait écrémé commence à s’écouler. C’est impressionnant comme les transformateurs en restent à une culture de consolidation de leurs marges qu’ils font payer à leurs producteurs. »

Illustration : « Lactalis a basculé sous Sodiaal ». L’industriel lavallois a payé le lait 310-315 €/1000 l cet été, quand le groupe coopératif montait à 320-340 €/1000 l, poursuit André Bonnard. Dans l’Ouest, Agrial a payé 315 €/1000 l et promettait un prix moyen 2018 supérieur à celui de 2017. « Ils n’y seront pas », prévoit le secrétaire général de la FNPL. « Il n’y a pourtant pas eu de catastrophe industrielle chez eux ». Une allusion à la crise de la salmonelle chez Lactalis et à l’affaire Synutra, qui « commence à fragiliser Sodiaal ». André Bonnard dénonce aussi l’opacité qui entoure cette affaire. « Des rumeurs circulaient depuis un an. Mais nous n’avons jamais eu de réponses à nos interrogations. Les sociétaires ne sauraient rien sans la presse. » Depuis, le chinois Synutra a « aussi planté les Maîtres laitiers du Cotentin. On ne voudrait pas que ça devienne le péril jaune car il y a des opportunités pour les producteurs » en Chine.

Lactalis se défend d’avoir baissé les prix

Lactalis a contesté, le 6 septembre dans un communiqué, les chiffres avancés l’avant-veille par la FNPL. « Le Groupe Lactalis souhaite faire savoir, contrairement à ce qui a été énoncé, qu’il n’a pas fixé un prix du lait sur une base de 310 €/1000 l sur les trois mois de juillet à septembre 2018. Il confirme, au contraire, l’orientation à la hausse de son prix du lait sur l’été 2018, à 340 €/1000 l à 41/33 sur trois mois (335 €/1000 l en juillet, 340 € en août, 345 € en septembre). Cette dynamique oriente en légère hausse (environ 1 %) le prix du lait sur les neuf premiers mois de l’année, en comparaison avec l’an dernier, alors que, dans le même temps, les marchés des produits industriels et le prix du lait allemand (référence des marchés à l’export) se sont respectivement érodés de 5 % et 3 %. »

« Dans ce contexte international, seul le marché intérieur des PGC France (produits de grande consommation), absorbant 50 % de notre collecte française, a pu soutenir, quoique trop faiblement, le prix du lait. En effet, les hausses tarifaires accordées par nos clients finaux français sur les premiers mois de l’année ont été inférieures à nos demandes de revalorisations pourtant susceptibles d’accompagner significativement la hausse du prix du lait. »

« Le Groupe Lactalis est conscient des problématiques fourragères que pose la sécheresse de l’été 2018 aux éleveurs. Il souhaite toutefois rappeler la nécessité de maintenir un prix du lait en adéquation avec la dynamique des différents marchés laitiers, afin de conserver la compétitivité et les débouchés commerciaux », conclut le communiqué.

« Une cascade qui ne mouille pas »

« Nous continuons à vouloir que le plan de filière aboutisse, mais pas à n’importe quel prix », avertit Thierry Roquefeuil (également président de l’interprofession laitière), qui devait rencontrer le ministre de l’agriculture le 4 septembre dans l’après-midi avant d’être reçu, dans les prochaines semaines, par le Premier ministre, puis par le président de la République, le 8 octobre. La loi Agriculture et alimentation sera de nouveau en discussion au Parlement. La FNPL espère que, d’ici là, un accord aura pu être trouvé avec les transformateurs sur les indicateurs d’indexation du prix du lait. C’est « quasiment calé » pour les coûts de production, mais « pas encore réglé » pour la valorisation obtenue par les industriels sur le marché intérieur. « La loi Sapin prévoyait des prix prévisionnels. La loi en débat penche pour une logique de prix en cascade. Nous, producteurs, sommes au milieu de la cascade mais nous ne sommes pas mouillés », a ironisé Marie-Thérèse Bonneau (Vendée), première vice-présidente de la FNPL.

Benoît Contour

 

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