L’agrivoltaïsme se dévoile

Le projet de décret sur l’agrivoltaïsme et le photovoltaïque sur les terrains agricoles est prêt.

« Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, salue l’aboutissement du travail interministériel sur le projet de décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers », annonce un communiqué du 7 décembre. Ce texte, élaboré en application de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, « doit maintenant être soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’énergie, puis du Conseil d’État, avant d’entrer en application en tout début d’année prochaine. »

Le projet de décret « pose une définition de l’agrivoltaïsme et précise les services devant être rendus à la parcelle agricole par ce type d’installation : amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, adaptation au changement climatique, protection contre les aléas, amélioration du bien-être animal. Pour faciliter le suivi des projets et s’assurer de leur contribution au rendement de la production agricole, différents indicateurs sont fixés, notamment une limite de perte de rendement (10 % en moyenne pluriannuelle). »

40 % de couverture au-delà de 10 MW

« Un arrêté des ministres établira une liste de « technologies agrivoltaïques éprouvées », permettant une production agricole significative, en fonction du mode de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé et de l’implantation géographique. Il fixera, par type de technologie éprouvée, la valeur maximale de taux de couverture pouvant permettre de garantir que la production agricole reste l’activité principale. Pour les projets spécifiques de plus de 10 MW qui ne relèveront pas de cet arrêté, le taux de couverture pourra aller jusqu’à 40 %. Par ailleurs, le revenu durable issu de la production agricole devra être constant ou augmenter dans le cadre de tout projet agrivoltaïque. »

« Des dispositions législatives, adaptant le cas échéant les règles du statut du fermage, viendront préciser les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, entre l’exploitant agricole, le producteur d’électricité et le propriétaire du terrain sur lequel l’installation agrivoltaïque est implantée lorsque ce dernier est différent de l’exploitant. »

Eviter les projets « alibis »

« Les installations photovoltaïques au sol, quant à elles, ne pourront se déployer que sur des terrains réputés incultes ou inexploités depuis au moins 10 ans. Les autorités veilleront dans ce cadre à préserver la souveraineté alimentaire et les forêts. Ces espaces, qui devront rester à vocation agricole, pastorale ou forestière, seront identifiés dans chaque département, par un document cadre, établi par les chambres d’agriculture. Les forêts à forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole et d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages ne pourront y figurer. »

« Une réversibilité des installations est prévue, ainsi que la constitution de garanties financières pour tous les projets, afin qu’ils favorisent également l’installation et la transmission des exploitations agricoles. »

Pour Marc Fesneau, « ce nouveau cadre, qui doit encore être soumis au Conseil d’Etat, marque une avancée importante pour la contribution du monde agricole à la transition agroécologique, en préservant la souveraineté alimentaire. A la suite de la loi du 10 mars, il complète le travail du Parlement sur l’agrivoltaïsme, pour éviter les projets « alibis », et offre un certain nombre de « garde-fous » pour les projets photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers. Je serai attentif à la qualité des projets, à leur contribution positive à la production agricole, ainsi qu’au revenu durable des agriculteurs, et souhaite que ce travail se prolonge par des avancées concrètes sur le partage de la valeur autour des projets agrivoltaïques. »

BC

(photo : projet Camelia, crédit : Engie)

LES REACTIONS

La FNSEA « salue une avancée majeure pour la profession »

« Après neuf mois de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, le Gouvernement a enfin rendu ses derniers arbitrages sur les décrets relatifs à l’agrivoltaïsme. La FNSEA salue un texte conforme aux attentes et aux demandes de la profession agricole, respectueux de l’esprit de la loi d’accélération de la production des énergies renouvelables (APER), et qui permettra un développement ambitieux mais maîtrisé de l’agrivoltaïsme. »

« Nous nous félicitons particulièrement des avancées concernant la préservation du foncier et de la production agricoles, condition indispensable à l’acceptabilité des projets et dont la FNSEA a fait sa ligne rouge depuis le départ. L’obligation pour tous les projets agrivoltaïques de disposer d’une zone témoin, le plafonnement à 10 % des pertes de rendements à la parcelle ou encore la préservation du revenu agricole sont autant de garanties contre les projets dits « alibis ». Surtout, l’intervention obligatoire de la Commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers assurera à la fois le respect des intérêts agricoles et l’implication de tous les acteurs locaux. »

« Le texte permet aussi de rendre claire et effective la séparation entre agrivoltaïsme et photovoltaïque au sol, en ne permettant ce dernier que sur les terres où il est impossible de pratiquer une activité agricole, ainsi que sur les terres qui ne sont plus exploitées depuis plus de dix ans. »

« Nous saluons enfin l’esprit de pragmatisme et de consensus qui a su prévaloir pour ne pas brider inutilement la dynamique de la filière. La FNSEA avait appelé le Gouvernement à ne pas fixer un taux de couverture trop faible par parcelle, mais à se concentrer plutôt sur le résultat agronomique, tout en laissant une certaine souplesse en fonction des données probantes. La profession obtient aujourd’hui pleine satisfaction avec un taux maximum de 40 % pour les projets supérieurs à 10 MWc, conforme à notre demande, et la possibilité de le moduler en fonction des technologies éprouvées. »

« Ce texte d’équilibre représente une étape majeure pour concilier le développement de la transition et de la souveraineté énergétiques avec la préservation de la souveraineté alimentaire. Alors qu’une nouvelle phase de consultation s’ouvre notamment via le Conseil supérieur de l’énergie, la FNSEA appelle à préserver les principaux équilibres du texte et à poursuivre sur la voie d’un agrivoltaïsme raisonné. »

« Dans ce même souci de préserver l’équilibre entre production agricole et production d’énergie, la FNSEA travaille, avec ses homologues énergéticiens, à la mise en place d’un bail rural à « clauses agrivoltaïques », contrat soumis au statut du fermage adapté à la coactivité sur les parcelles et sécurisant l’exploitant agricole et l’ensemble des parties prenantes. »

« Des avancées mais un taux de couverture inacceptable » (JA)

« Jeunes Agriculteurs étant en faveur d’un développement maîtrisé des énergies renouvelables permettant l’équilibre et la cohérence des objectifs environnementaux, le syndicat attendait que le gouvernement tranche enfin sur le décret devant encadrer l’agrivoltaïsme. Une première partie de ce travail prend fin, mais les annonces de ce jeudi 6 décembre demandent de maintenir une vigilance active sur la suite et principalement sur l’élaboration de la liste dressant les technologies agrivoltaïques déjà éprouvées. »

« Jeunes Agriculteurs souhaite être un acteur moteur de la transition, que ce soit sur le plan agricole ou énergétique. Nous encourageons donc toutes les initiatives viables, cohérentes et pérennes. Les agriculteurs restent les premières victimes du changement climatique, aussi ils savent ô combien il y a urgence à s’adapter. »

« Nous souhaitons d’abord saluer le travail accompli et notamment l’engagement du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire (MASA) sur la protection du foncier agricole. Nous déplorons ne pas avoir obtenu un taux de couverture par technologie, comme recommandé par l’INRAE et soutenu par le MASA. Mais nous nous félicitons d’avoir été entendus sur des points aussi cruciaux que la baisse de rendement limitée à 10 %, l’obligation de mettre en place des zones de témoin et le délai de mise en application du décret maintenu à un mois à compter de sa publication pour les projets agrivoltaïques. »

« Désormais, Jeunes Agriculteurs sera mobilisé et attentif à l’élaboration de l’arrêté ministériel. Nous serons particulièrement vigilants aux travaux de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui visera à établir la liste de recommandations des technologies déjà éprouvées devant aider les ministères de l’énergie et de l’agriculture à prendre l’arrêté définitif. Nous resterons également exigeants sur le suivi de chaque projet agrivoltaïque et le respect de l’intérêt de l’agriculture. »

« Les chantiers à venir sont nombreux : adaptation du statut du fermage, répartition de la valeur ajoutée, l’élaboration des documents cadre départementaux, etc. Demain, comme aujourd’hui, Jeunes Agriculteurs sera au rendez-vous ! »

 

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