Méthanisation : une voie de diversification à consolider

Avec plus de 1 900 méthaniseurs en activité en France fin 2023, la filière biogaz s’est rapidement imposée comme un complément d’activité attractif pour de nombreux éleveurs. Portée par un fort soutien public, elle contribue à la production d’énergie renouvelable, à la gestion des effluents et à la transition agroécologique. Mais un récent rapport de la Cour des comptes invite à renforcer la vigilance sur plusieurs points structurants pour l’avenir du secteur.

Selon un rapport de la cour des comptes,  la méthanisation représente un réel potentiel de diversification économique pour les exploitations agricoles.

Ainsi, les exploitations engagées dans la méthanisation ont amélioré leur excédent brut d’exploitation (EBE) de 40 000 à 55 000 € en moyenne annuelle entre 2016 et 2019, soit +20 % par rapport à des exploitations comparables sans méthanisation.

Le digestat, coproduit de la méthanisation, constitue un fertilisant organique qui peut se substituer partiellement aux engrais minéraux. Il permet aussi une meilleure gestion des effluents d’élevage et une valorisation locale de la matière organique. Selon le rapport, l’effet positif est moindre voire non significatif pour ceux qui se contentent d’apporter des intrants ou de récupérer du digestat. Ce constat contredit en partie l’idée selon laquelle le soutien au biogaz profite à tout un territoire et non aux seuls propriétaires d’unités de méthanisation.

Un cadre de soutien en évolution
Historiquement, le développement de la méthanisation a été soutenu par des tarifs d’achat garantis (gaz et électricité), des aides à l’investissement (ADEME, Régions) et des dispositifs fiscaux spécifiques aux exploitations agricoles. Ces soutiens ont permis l’essor de petites et moyennes unités agricoles. Mais la Cour des comptes souligne que la rentabilité de certaines installations a parfois été excessive, notamment pour celles ayant signé des contrats avant 2020. Pour rééquilibrer le système et maîtriser le coût pour les finances publiques, un nouveau mécanisme est en préparation : les certificats de production de biogaz (CPB). Ils feront reposer le financement sur les fournisseurs de gaz… et donc indirectement sur les consommateurs.

Des incertitudes à anticiper
La trajectoire future du biogaz reste incertaine, car elle dépend de la place du gaz dans le mix énergétique français à horizon 2050. Or, les scénarios envisagent une baisse de la consommation de gaz de 65 % ou plus, ce qui questionne la part que pourra prendre le biométhane dans ce contexte. Autre point de vigilance : la disponibilité de la biomasse. D’ici 2030, la ressource pourrait ne pas suffire pour atteindre les objectifs de production fixés par l’État. Cela pourrait entraîner des tensions entre usages (alimentation, biocarburants, énergie), notamment pour les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE).

Un impact agroécologique à mieux suivre
Le soutien public à la méthanisation s’inscrit dans une logique de transition agroécologique. Toutefois, les effets réels sur les pratiques agricoles restent peu mesurés. Les études existantes ne montrent pas de changement systématique dans les assolements, les pratiques d’élevage ou le recours aux intrants. Les CIVE représentent un gisement de biomasse important pour l’avenir, mais leur développement pourrait avoir un impact sur les cultures alimentaires et le bilan environnemental global. Un suivi spécifique est recommandé par la Cour.

 

 

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