Le lait néerlandais le plus compétitif

La France reste sur le podium mais cède les premières places aux Pays-Bas et à l’Irlande, deux autres pays européens.

Le cabinet conseil Agrex Consulting et FranceAgriMer viennent de dévoiler le palmarès 2022 des pays laitiers les plus compétitifs (1). Leur évaluation repose sur 40 indicateurs, déclinés au sein de 6 axes d’analyse : potentiel de production laitière, maîtrise des facteurs naturels et durabilité des ressources, capacité à conquérir les marchés, portefeuille des marchés, capacité d’organisation des filières, macroéconomie.

Forces et faiblesses des 13 pays en lice

« La production laitière des Pays-Bas est relativement stable depuis quelques années et la campagne se solde par un volume de 13,4 milliards de litres. Le modèle néerlandais, à forte intensité de capitaux, repose sur des investissements importants. L’accès au foncier est très difficile (80 000 €/ha) et l’endettement des producteurs est l’un des plus forts d’Europe après le Danemark, soit 9 400 euros par vache laitière. La prise en compte des impacts environnementaux prend une importance croissante, notamment sur la gestion des effluents d’élevage et l’apport d’engrais sur les parcelles. Deuxième exportateur mondial en 2022, les Pays-Bas ont vu leurs exportations fortement progresser en valeur (+ 22 %) en 2022. La filière se démarque par la diversité de son portefeuille de clients, cependant, le chiffre d’affaires export est très concentré vers pays de l’Union européenne (59 %). Les Pays-Bas sont néanmoins présents en Chine (17 %). La consommation de produits laitiers sur le marché local connait une tendance baissière. Bien que les marchés de consommation et de l’export soient essentiellement orientés vers des produits de base (fromages ingrédients, poudres écrémées), on assiste de façon croissante à une diversification de la production. »

« L’Irlande continue son ascension, et atteint cette année la 2e marche du podium. Avec une production en hausse constante jusqu’à 2022, l’Irlande s’affirme comme un producteur européen à surveiller. Depuis la fin des quotas laitiers européens, la production a augmenté de 55 %, pour s’établir à 8,8 milliards de litres de lait en 2022. Les producteurs s’appuient sur des systèmes herbagers, ce qui permet d’atteindre un bon niveau de marge sur coût alimentaire, dans la mesure où ils ont également bénéficié de prix du lait élevés en 2022. La qualité du lait est également bien positionnée (tant en taux butyreux qu’en taux protéique). L’endettement des producteurs est faible, estimé à 988 € par vache laitière en 2022. La hausse de la production a permis à l’Irlande de gagner des parts de marché à l’export. Les exportations ont gagné 75 % en valeur depuis 2015, et se sont établies à 6,4 milliards de dollars US en 2022. La clientèle est cependant essentiellement constituée de pays de l’UE (42 %), ou de pays anglo-saxons (11 % États-Unis, 19 % Royaume-Uni), même si 7 % des exportations sont à destination de la Chine. »

« En France, sous l’effet de la baisse du cheptel, et dans un contexte de sécheresse estivale, la production laitière a poursuivi son recul. 2022 s’est soldée par une production de 23,3 milliards de litres qui fait malgré tout de la France un acteur de poids sur la scène internationale. Portées par des prix élevés sur les marchés internationaux, les exportations progressent en valeur, mais les volumes sont en retrait en 2022. La France se distingue avec 4 entreprises laitières françaises parmi les 20 leaders mondiaux. Le niveau de la recherche française est reconnu à l’international et reste un atout pour le secteur. La situation sanitaire est stable et contrôlée. Un des freins majeurs à la compétitivité française reste ses coûts de revient élevés, qui pèsent sur les marges des producteurs. »

« En Nouvelle-Zélande, plus de 20 milliards de litres ont été produits lors de la campagne 2022, un chiffre en retrait par rapport à 2021. La récurrence des accidents climatiques participe d’ailleurs à réduire légèrement la compétitivité de la Nouvelle-Zélande et de son voisin australien. Le modèle productif néozélandais basé sur des exploitations de grande taille est aujourd’hui confronté à des pressions sociétales et environnementales plus fortes. Le prix du foncier et des reprises d’exploitations élevés contribuent au niveau important d’endettement des éleveurs. La Nouvelle-Zélande reste cependant très compétitive sur les marchés export, notamment des poudres grasses sur ses destinations asiatiques habituelles. Les produits laitiers constituent la première catégorie de produits agricoles exportés par le pays. La filière s’appuie sur Fonterra, premier collecteur du pays (15,3 milliards de litres), qui assure à lui seul 75 % de la collecte laitière en 2022. Fonterra se positionne également dans le top 3 des acteurs à l’échelle mondiale. »

« L’Allemagne se classe en 5e position en 2022, et se positionne comme le premier producteur européen, avec une production qui oscille entre 32 et 33 milliards de litres. Comme en France, la filière est confrontée à une baisse de cheptel. La marge sur le coût alimentaire des producteurs allemands était plutôt bien située en 2022. L’Allemagne peut toujours s’appuyer sur des avantages compétitifs importants tels que la sécurité sanitaire et la recherche en santé animale. La collecte s’appuie sur quelques acteurs clés (DMK, Muller, Hochwald), même si le secteur laitier est moins concentré que ses principaux concurrents. Avec des exportations qui atteignaient 14,8 milliards de dollars US en 2022, l’Allemagne se positionne comme le 3e exportateur mondial de produits laitiers. »

« Le Danemark bénéficie de nombreux atouts, et se positionne au 6e rang du classement, malgré un niveau de production limité (5,5 milliards de litres, stable en 2022 par rapport à 2021). La filière peut s’appuyer sur un climat favorable, un système de défense sanitaire performant, et des résultats techniques d’un bon niveau. La collecte est concentrée aux mains d’un acteur à dimension internationale, Arla Foods, qui assure à lui seul 87 % de la collecte du pays, et rayonne à l’échelle internationale. La production est néanmoins exposée à des problématiques structurelles, qui limitent sa compétitivité : la difficulté d’accès au foncier et son coût important (de l’ordre de 18 000 €/ha), et un niveau de marges sur coût alimentaire moyen. »

« Les États-Unis se classent 7e. Avec une production de 99,8 milliards de litres de lait de vache, les États-Unis conservent la place de leader mondial devant l’Inde. La production continue à progresser et a gagné 7 % depuis 2014, mais la sécheresse qu’a connue la Californie, un des principaux états producteurs de lait du pays, a impacté les volumes globaux. Sur leur marché intérieur, les États-Unis sont confrontés à une baisse de consommation de produits laitiers, malgré la croissance démographique plutôt favorable, dans la mesure où la consommation par habitant diminue (280 l/habitant, en équivalent lait). La marge sur coût alimentaire est restée bien positionnée, grâce à un prix du lait élevé. Même si l’essentiel de la production est destiné au marché intérieur, les États-Unis ont vu leurs exportations progresser de 25 % en valeur par rapport à 2021. La filière peut s’appuyer sur un des leaders mondiaux en produits laitiers, Dairy Farmers of America. »

« La Pologne, en 8e position, connait une croissance de production régulière, même si la tendance semble ralentir. La production de l’année 2022 a atteint 14,5 milliards de litres (+ 14 % en 8 ans). La compétitivité de la filière repose sur les facteurs structurels de production : un faible coût de la main d’œuvre au sein du marché européen, une SAU importante et un prix du foncier relativement bas. La modernisation de la filière se poursuit tandis que le cheptel se stabilise. Sur l’année 2022, la consommation locale a connu une hausse, conséquence de l’afflux de réfugiés ukrainiens. Les secteurs de la santé animale et du contrôle de la qualité restent des enjeux majeurs pour assurer un développement du secteur sur le long terme. La hausse de production s’est également traduite par une dynamique positive à l’export, mais le pays reste largement dépendant des destinations européennes. »

« En 9e position, l’Italie, avec sa filière laitière, a produit 12,5 milliards de litres de lait de vache en 2022. Une large partie de la production est destinée à la production fromagère qui fait la renommée du pays. Le secteur laitier est très peu concentré, les 3 premiers acteurs ne collectant que 23,5 % des volumes du pays. Le taux protéique est bien positionné, alors que le taux de matière grasse du lait fait partie des plus bas des pays étudiés. En 2022, la marge sur coût alimentaire a été particulièrement affectée par des coûts de production en hausse, même si la hausse des cours du fromage (Parmigiano Reggiano et Grana Padano notamment) a engendré une hausse du prix du lait. »

« Le Brésil, 4e producteur mondial après les États-Unis, l’Inde et la Chine, a connu une campagne difficile. Les conditions climatiques (la Niña) ont pénalisé la récolte de fourrage. La production s’est élevée à 33,5 milliards de litres de lait (- 5 %) en 2022. La sélection génétique et l’amélioration des performances techniques constituent des leviers pour la filière dans les années à venir. Le pays bénéficie d’avantages compétitifs : le faible coût du foncier et de la main-d’œuvre. La production reste largement destinée au marché local, et les exportations peu développées. Une part significative de la production (25 %) est autoconsommée, et l’industrie de collecte et transformation est atomisée. »

« Au Royaume-Uni, la production laitière est stable (14,9 milliards de litres). Ce chiffre évolue peu depuis quelques années, malgré une baisse du cheptel initiée en 2015 en Grande Bretagne, que la croissance du cheptel d’Irlande du Nord ne parvient pas à compenser. Avec le Brésil, le Royaume-Uni est le seul pays à afficher une balance commerciale déficitaire (- 1,8 milliard de dollars US). Les exportations britanniques sont fortement dépendantes de l’Union européenne (40%). »

« L’Australie se positionne à l’avant dernière place (de ce palmarès, ndlr). La multiplication des incidents climatiques (sécheresses, fortes pluies, incendies, etc.) handicape la filière laitière. La production de l’année 2022 a connu une nouvelle baisse pour s’établir à 8,2 milliards de litres. Les gains de productivité ne permettent pas de compenser la baisse du cheptel engagée depuis de nombreuses années. Néanmoins, la production locale de fromages se porte bien, avec une demande croissante des consommateurs. Les exportations ont baissé en volume, mais progressé en valeur. L’Australie exporte principalement dans la zone asiatique (Chine, Japon, Indonésie, etc.). »

« L’Argentine a produit 11,5 milliards de litres en 2022, et la campagne a été marquée par d’importantes sécheresses (la Niña). Le pays fait face à des difficultés économiques et la dévaluation du peso argentin renchérit le coût des matières importées. Environ 75 % de la production est destinée au marché intérieur, et la consommation de produits laitiers évolue à la baisse. Les exportations ont malgré tout progressé sur 2022, avec comme principaux clients Brésil, Algérie et Chili, profitant de la dévaluation du peso. »

BC

(1) Facteurs de compétitivité sur le marché mondial des produits laitiers, FranceAgriMer, février 2024

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