Le président de la FNPL a clôturé par un discours ambitieux le congrès de la FNPL organisé à Vannes (Morbihan) les 14 et 15 mars 2018. Grands troupeaux vous propose un extrait des différents thèmes abordés par Thierry Roquefeuil.
Rejet de certains accords commerciaux pas du libéralisme
Si pour le président de la FNPl, « le protectionnisme n’assure pas forcément un revenu meilleur aux agriculteurs sur le long terme … N’oublions pas qu’un litre de notre lait sur quatre est exporté. », il met en garde contre les accords de libre-échange et notamment les accords commerciaux avec le Mercosur ou l’accord Australie-Nouvelle Zélande. « Je ne veux pas d’un Mercosur bis, avec ce futur traité Australie-Nouvelle Zélande. Je le dis très fermement. Je n’en veux pas. Monsieur le ministre je ne comprends pas l’intérêt de l’Europe de commercer avec les 28 millions d’habitants océaniens. Je comprends par contre très bien que l’Océanie souhaite s’ouvrir aux 500 millions de consommateurs européens. »
Des ICHN à sanctuariser
« Les ICHN (indemnités compensatrices de handicap naturel) sont des aides pour compenser des handicaps naturels comme leur nom l’indique, pas pour compenser des baisses de revenu ». C’est pourquoi l’élevage et la production laitière en zones de montagne, de piémont et défavorisées simples doivent être sanctuarisés dans la prochaine réforme en application en 2019. Sur ce dossier, la France plaide à Bruxelles la continuité territoriale pour éviter des distorsions de situation entre deux agriculteurs voisins dont l’un est en zone éligible et l’autre non. La FNPL plaide pour la continuité financière pour les exploitations qui ne sont plus dans la zone après l’avoir été. Il va sans dire qu’un budget dédié doit être dégagé !
Malaise social
Outre la dénonciation de l’’indécence du niveau des retraites agricoles, la FNPL souhaite que l’on donne la possibilité pour les éleveurs de se faire remplacer au moins une journée par semaine sur leur ferme devrait être une priorité pour tous. « La filière laitière dégage un excédent commercial conséquent (4 milliards). Cette dynamique ne doit pas être réservée à quelques-uns. Sans nous, sans ceux qui font le lait, il n’y pas plus de filière laitière ».
Prix du lait à 365 euros, une bonne dynamique
«Un prix de lait moyen à 365 euros/1000 litres comme en 2014 constitue une bonne dynamique pour les éleveurs, les industriels laitiers n’ont pas fait faillite, les consommateurs ont continué à acheter des produits laitiers. C’est sur cette base qu’il nous faut travailler.»
France Terre de lait
Le plan de filière, « France Terre de lait », doit permettre une « juste rémunération des éleveurs, et la possibilité de se faire remplacer au moins une journée par semaine ». Les acteurs de l’interprofession, qui ont tous signé ce plan de filière (la FNPL bien sûr mais aussi la Confédération paysanne, la Coordination rurale, la Fnil et la FNCL aujourd’hui Coop de France, métier du lait) s’engagent pour que la France reste une grande terre de lait avec des producteurs de lait rémunérés à la hauteur de leur travail et de leurs compétences. Ce socle « France terre de lait », comprend aussi le maintien de la haute qualité du lait et des produits laitiers : zéro antibiotique et zéro pesticide, le respect du bien-être animal en prolongement de la charte des bonnes pratiques et le respect des engagements environnementaux pour tous les acteurs de la filière. L’objectif est de définir des indicateurs de valorisation des différentes composantes de ce socle afin de quantifier les euros en plus pour l’éleveur qui va intégrer ou a intégré ces démarches. Ces indicateurs serviront de référence pour l’ensemble des opérateurs. L’enjeu est de mettre un peu d’ordre dans la multiplicité des cahiers des charges qui se développent sur le terrain en élaborant des cahiers de charges interprofessionnels. « Segmenter pour ramener de la valeur aux producteurs de lait : oui ! Concurrencer les producteurs de lait entre eux : non ! Ne nous trompons pas : l’adaptation de nos systèmes de production laitière ne sera pérenne que si elle répond aux attentes de l’éleveur qui pilote sa ferme. »
La FNPL a répondu de manière concrète au terrain qui souhaite, dans certaines zones, développer des démarches de segmentation sur le non OGM pour aller chercher de la valeur. Pour crédibiliser ces initiatives, il est important de trouver les moyens pour que les ressources françaises (protéines alternatives au soja OGM) soient fléchées prioritairement sur éleveurs français. Dans ce but, la FNPL a été à l’origine d’une étude financée sur fonds professionnels qui rassemblent les AS (associations spécialisées) concernées et orchestrée par la Fop. Alors, lorsqu’il n’y a pas un jour qui passe sans qu’une ONG présente son projet pour « une planète en bonne santé » avec l’habituelle recommandation : moins de viande et de produits laitiers, la tentation est forte de tout balayer d’un revers de la main. On viendrait à se demander si le fond de la mer est étanche, si on est dans la vraie vie !
Le projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales et la juste répartition de la valeur »
L’enjeu du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales et la juste répartition de la valeur » doit formaliser les conclusions des Etats généraux en cohérence avec les plans de filière. « Ce projet de loi, tel que présenté en conseil des ministres me laisse sur ma faim . Pour la FNPL, le compte n’y est pas ! Ce projet de loi ne met aucune automaticité de retour de valeur au producteur. Toute la responsabilité est laissée aux plans de filières alors que pour la FNPL, les deux doivent être complémentaires. Pendant le salon de l’agriculture, certains de mes interlocuteurs m’ont soutenu qu’il n’y avait rien dans ce projet de loi. N’ayons pas la mémoire courte ! » La guerre des prix entre les enseignes de distribution qui a appauvri les agriculteurs a une origine, la LME (loi de modernisation de l’économie) de 2008, dite loi Michel Edouard Leclerc. On ne peut pas nier cette réalité : il y a eu une déflation sur les produits laitiers en grande surface depuis 10 ans. L’objectif de cette loi était de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs pas celui des agriculteurs. Depuis cette loi, d’autres ont suivi pour tenter de rectifier le tir. La FNPL veut une loi qui ne laisse pas place aux interprétations, ferment de la discorde entre opérateurs économiques. A la FNPL, nous en avons fait la mauvaise expérience. La loi Sapin 2 qui prévoit qu’un prix du lait prévisionnel moyen soit affiché dans les CGV (conditions générales de vente) a donné lieu, lorsque cette disposition a été respectée, à toutes sortes de prix. Difficile d’y voir clair alors que le but était d’avoir plus de transparence. Ce dispositif doit donc être précisé et pérennisé dans le cadre de la future loi car il entre en résonnance avec la contractualisation en cascade du producteur au distributeur. Soyons précis ; dans ce nouveau projet de loi, au lieu d’écrire « critères de détermination des prix », définissons des « prix déterminés ou déterminables » dans les contrats entre les producteurs et entreprises privées sans oublier les coopératives et leur conseil d’administration. Ce qui ajoutera à la transparence de l’information donnée aux sociétaires de coopératives sur ces questions primordiales de prix du lait. Et arrêtons de nous cacher la tête sous l’eau : l’observatoire des prix et des marges doit (je ne comprends pas que cela ait disparu du projet de loi) publier des indicateurs publics. La FNPL demande qu’il soit autorisé à aller plus loin en faisant des recommandations sur l’utilisation de ces indicateurs jusqu’au partage de marges. Deuxième difficulté que nous avons rencontré avec la loi Sapin 2. Promulguée en décembre 2016, les dispositifs qui devaient s’appliquer aux négociations commerciales en 2017 par les acteurs de l’aval ne l’ont été que pour 2018. Soit une année plus tard. Tout ça pour 8 jours de retard dans le calendrier législatif ! Le recours aux ordonnances doit permettre d’aller plus vite. Pour être efficace, passons le délai autorisant le gouvernement à présenter cette ordonnance de 6 mois à 3 mois, une fois la publication de la loi. Quant à l’ordonnance sur la révision du code du commerce, qui concerne notamment la vente des produits agricoles à des prix agricoles abusivement bas, il faut l’élargir à toutes les périodes et pas seulement aux crises.
Bruxelles doit assurer la gestion des marchés
La Commission européenne doit clairement assumer son rôle dans la gestion des marchés et ne pas être hermétique aux solutions qui lui sont proposées. La FNPL a été force de propositions sur l’utilisation de ces stocks. Aujourd’hui, ils pèsent encore et toujours, ce qui freine l’impact positif de l’évolution du prix du lait payé aux producteurs malgré une forte hausse de la matière grasse. Ce n’est pas sorcier à comprendre. Je ne demande pas à la Commission européenne d’être magicienne mais de prendre ses responsabilités. Les ministres de l’Agriculture de l’Europe ont décidé, il y a un mois et demi, de « ramener à zéro » le dispositif d’intervention publique sur la poudre de lait écrémé pour l’année 2018, ce qui est une bonne décision mais qui ne résout pas le problème du niveau important de ces stocks. Monsieur le ministre, la France doit être à l’offensive ! J’ai souvent l’impression que nous ne sommes pas dans le même espace-temps avec la Commission européenne. Rappelons-nous l’énergie qu’il a fallu au syndicalisme, au pouvoir public français, pour faire admettre aux fonctionnaires bruxellois qu’il fallait agir en amont des crises. Un plan européen de réduction volontaire de la production laitière s’est concrétisé APRES plus d’un an de crise. Non ! les crises laitières ne sont pas de simples dégâts collatéraux au libéralisme car, au final, elles permettraient au marché de se réguler par lui-même en « tuant » des producteurs de lait européens. L’Europe laitière doit se doter de dispositifs de gestion de crise, réactifs, efficaces et pérennes dans le temps. La volatilité des cours est un fléau qui touche tous les acteurs économiques d’une filière. Ce ne sont pas aux seuls producteurs de lait d’en assumer les conséquences et de mettre en place des dispositifs pour s’en prémunir. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas rendre la contractualisation entre les producteurs et transformateurs obligatoires en Europe pour responsabiliser les transformateurs vis-à-vis des volumes qu’ils mettent en marché. Evidemment cette réflexion sur la gestion de crise et la gestion des risques doit s’intégrer dans le cadre de la future Pac, au calendrier mouvant, Brexit oblige. La Commission veut aller vite. Certains parlementaires européens nous ont alerté sur un calendrier qu’ils estiment trop contraint. Il est hors de question que la Pac assume, à elle seule, le manque à gagner du Brexit post 2020. Les anglais, s’ils vont payer leur engagement jusqu’à 2020 15 deviendront, après, un pays tiers qui divergera de l’Union européenne.
Le vrai sujet de la Pac est son budget.
Les signaux envoyés par le gouvernement français sont pour le moins contradictoires. J’ai compris que le chef de l’état ne fait pas du budget de la Pac, un casus belli, car il souhaite la réformer en profondeur pour la rendre plus efficace. L’un n’empêche pas l’autre. Une Pac plus efficace avec un budget consolidé : voilà ce que la France, grand pays agricole, doit défendre. Un mot, sur la méthode. A la FNPL, nous considérons indispensable de donner du sens à la Pac pour la défendre au regard d’autres politiques de l’Union qui vont entrer en concurrence avec cette vieille politique en mal de reconnaissance. A l’acronyme actuel de la Pac, ajoutons un a pour alimentation et un c pour citoyen. La Paacc : politique agricole et agroalimentaire citoyenne et commune : ce n’est pas très joli, c’est long mais cela un mérite : celui de reposer les fondements de cette politique ! Il faut un vrai projet européen pour l’agriculture et la souveraineté alimentaire de l’Europe, forte de ses 500 millions de consommateurs européens. C’est à cette condition que nous pourrons convaincre de l’utilité de cette politique commune, éviter sa renationalisation rampante et sauver son budget. Pour la FNPL, défendre l’avenir des éleveurs laitiers dans cette future Pac ne peut réussir en adoptant une position attentiste. A savoir ; attendre la nouvelle boite à outils européenne, puis se battre entre nous pour récupérer la plus grosse part du gâteau ! C’est pourquoi, la FNPL va mettre en place, dès maintenant, une commission de réflexion sur l’avenir de la Pac en cohérence avec la feuille de route de la prochaine mandature.
Le dossier de la viande
Depuis deux an ans, le président de la FNPL a voulu ouvrir un dossier sensible, celui de la viande issue des troupeaux laitiers. «Pourquoi sommes-nous le pays où le prix des petits veaux est le moins cher d’Europe ? Pourquoi importons-nous autant de viande ? Il y a des euros à aller chercher. Nous ferons des propositions. L’évolution de la génétique, l’organisation des producteurs en OP ou coopératives doit être une chance pour nous. Je veux dire au président de la FNB, cher Bruno Dufayet et au président d’Interbev, cher Dominique Langlois, que la FNPL ne veut prendre la place de personne mais elle veut mettre en lumière la qualité de nos productions. Du gagnant-gagnant sur ce dossier, j’y crois. »