Prix des terres : le grand écart

Le prix moyen des terres et prés non loués s’est maintenu à 5 990 €/ha l’an passé. Mais il a baissé dans les zones d’élevage bovin et augmenté dans les régions de grandes cultures.

La Fédération nationale des Safer a dévoilé, le 23 mai à Paris, son analyse annuelle sur le marché foncier rural. S’agissant des terres et prés, « le nombre et la valeur des transactions sont au plus haut depuis 25 ans » : 90 810 achats (+5,3%) totalisant 404 400 ha (+6,1%) pour une valeur de 4,9 milliards d’euros (+5,4%). Deux explications sont avancées : une « vague de départs à la retraite qui s’accélère » – l’âge moyen des agriculteurs atteint 52 ans, soit 11,5 années de plus que la moyenne des actifs ! – et des taux d’intérêt bas qui favorisent l’emprunt. Cette offre de foncier abondante a contribué à la sagesse des prix dans un contexte de « remontée des revenus agricoles » depuis deux ans.

Le prix moyen des terres et prés libres s’est établi à 5 990 €/ha (+0,1%) en 2018, et à 6 010 €/ha pour la moyenne triennale 2016-2018. Des moyennes qui masquent un « écart au plus haut » entre zones de grandes cultures (7 540 €/ha, +1,8%) et régions d’élevage bovin (4 580 €/ha, -2%). Le prix moyen des terres et prés loués a atteint 4 740 €/ha (+1,1%, soit la « plus faible progression depuis 1997 »). Le rendement locatif brut a de nouveau légèrement reculé en 2018 (-0,14 point à 2,71%) en lien avec la baisse de l’indice national des fermages (le calcul actuel repose à 60 % sur le revenu agricole des années antérieures).

Parts sociales : un marché parallèle

Les Safer insistent sur la « poursuite de la progression des personnes morales » dans la détention du foncier. L’an passé, elles ont représenté 13,3% des transactions pour 19,1% des surfaces et 31,6% des valeurs. En 25 ans, le nombre d’acquisitions effectuées par des sociétés de portage du foncier (GFA, SCI) a été multiplié par 6, celles réalisées par des sociétés d’exploitation agricole par 5, alors que les achats par les agriculteurs personnes physiques stagnaient. « Compte tenu du nombre toujours croissant de sociétés agricoles, le marché des parts sociales est voué à se développer. » L’an passé, il a représenté 7% des transactions mais 20% du marché en valeur. Si les cessions partielles de parts favorisent une transmission progressive du foncier aux jeunes qui s’installent, elles permettent aussi de « donner accès au contrôle d’une société sans être soumis à la préemption des Safer », regrette leur président, qui demande un « agrément des mutations de parts de société ».

Plus généralement, Emmanuel Hyest observe que « les montages se multiplient » et que « seuls les plus riches ont accès à l’agrandissement », au détriment des « moyennes exploitations compétitives ». Selon lui, la « financiarisation de l’agriculture » compromet le renouvellement des générations (coût de plus en plus élevé des reprises, opacité de l’accès au foncier), conduit à la « diminution du nombre de chefs d’exploitation », au « développement du salariat » et à la « simplification des systèmes de production ». Résultat : on commence à trouver des entreprises de travaux à façon qui gèrent « jusqu’à 8 000 ou 10 000 ha » en échappant à tout contrôle et des « villages sans agriculteurs » dans l’Eure, son département. « Inimaginable il y a dix ans », dit-il.

Benoît Contour

A consulter : la carte du prix des terres 2016-2018

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