Tout savoir sur le stress thermique

Grands Troupeaux Magazine vous propose de revenir sur les dangers du stress thermique. Un risque à anticiper. 

La zone de confort thermique de la vache se situe entre 5 et 15°C. C’est en fait le couple température/humidité qui détermine le risque de stress thermique. Comme indiqué dans l’infographie 1, le seuil de confort de la vache laitière est relativement limité et les conséquences néfastes pour l’animal apparaissent dès 22°C et 45 % d’humidité ou 23°C et 35 % d’humidité. L’indice température-humidité relative (ou THI pour Temperature Humidity Index) permet d’évaluer l’impact du stress thermique sur les animaux. Il prend en compte la température extérieure et le niveau d’humidité relative de l’air (qui accentue l’effet de la chaleur). Le stress thermique s’accroît avec l’augmentation de la température et de l’humidité.

LE TABLEAU DU THI POUR LES VACHES LAITIÈRES

Pour une vache laitière, le seuil de stress thermique est atteint dès que le THI affiche 68. Par exemple, à 30°C et avec 65 % d’humidité, l’index d’humidité relative sera de 81 (carré blanc sur le graphique), ce qui correspond à un stress thermique sévère.

Tableau du THI

Jaune : zone de confort (THI <  68)

Orange claire : stress thermique modéré (THI  = 68 à71)

Orange foncé  : stress modéré à sévère (THI = 72 à 79)

Rouge : stress sévère (THI >80).

Le stress thermique s’avère étroitement lié au phénomène de (sub)acidose. En effet, pour un fonctionnement optimal, la vache doit disposer d’un ratio sanguin bicarbonate /dioxyde de carbone HCO3/CO2 constant de 20 pour 1. Afin de dissiper l’excès de chaleur, le bovin accélère son rythme respiratoire (jusqu’à 100 respirations par minute), ce qui entraîne une perte de CO2, compensée par une élimination de bicarbonate dans les urines. Ainsi, faute de bicarbonate disponible, le pouvoir tampon de la salive diminue, entraînant une baisse du pH du rumen. Ce processus est alors accentué par un amoindrissement de la rumination et par une perte de salive.

QUE SE PASSE-T-IL D’UN POINT DE VUE MÉTABOLIQUE ?

La baisse des performances des vaches laitières exposées à un stress thermique résulte en partie d’une baisse des quantités ingérées. Celle-ci constitue l’un des mécanismes de protection de l’organisme visant à réduire la production de chaleur interne lors de la digestion et de la métabolisation des aliments, deux étapes qui engendrent de la chaleur (chaleur métabolique). Cette diminution de l’ingestion ne compte néanmoins que pour 50 % dans la baisse de la production de lait. Les 50 % restants sont associés à des changements métaboliques et hormonaux. 

« La modification du flux sanguin a des conséquences importantes au niveau intestinal, prévient Wim Wanzele, nutritionniste aux Pays-Bas. La paroi de la lumière intestinale sera notamment plus perméable aux pathogènes. Les cellules épithéliales se desserrent, laissant des espaces dans lesquels bactéries, champignons ou autres corps étrangers s’accumulent et peuvent ensuite pénétrer dans la lumière intestinale. Résultat, le système immunitaire inné se met en marche pour défendre l’organisme des agressions pathogènes. Or, ce système immunitaire consomme énormément d’énergie, environ 3 000 g de glucose par jour pour une vache de 600 kg. Ce qui correspond à l’énergie nécessaire à la production de 7 l de lait ! » Une vache stressée thermiquement voit souvent son TB chuter.  

NUTRITION ET ENVIRONNEMENT

Afin de mieux gérer les problèmes de stress thermique, l’éleveur doit travailler en amont sur deux axes majeurs : l’environnement et la nutrition. Ainsi des asperseurs(2) et des ventilateurs peuvent être installés dans les parcs d’attente. La brumisation n’est pas suffisante pour rafraîchir les vaches durant les périodes de chaleurs estivales. Les systèmes les plus efficaces associent arrosage et ventilation. Il est en effet primordial de ventiler le bâtiment en créant un courant d’air. À cet égard, les ouvertures basses sont très utiles pour rafraîchir les animaux. L’installation d’asperseurs le long de la table d’alimentation et au-dessus des cornadis est fortement recommandée et pourra être couplée à l’installation de ventilateurs dans la stabulation. Ceux-ci auront alors un double intérêt : brasser l’air et tenir les mouches éloignées. L’éleveur devra également veiller à ce que son troupeau, et tout particulièrement les vaches taries et celles prêtes à vêler puissent bénéficier d’un abri ombragé. 

« En premier lieu, il est possible d’agir en protégeant les animaux des rayons lumineux. La plantation d’arbres et de haies peut les protéger efficacement. Sur une pâture, le recours à des dispositifs pare-soleil peut également s’avérer une bonne option. Dans les bâtiments, les ventilateurs associés à des brumisateurs sont judicieux. Enfin, la distribution d’eau fraîche ayant démontré son efficacité pour d’autres espèces, elle peut tout à fait s’imaginer en production laitière bovine », explique le spécialiste. 

Pour ce qui est de l’alimentation, il faut veiller à limiter le réchauffement de la ration au niveau de la mangeoire. Une étude réalisée par le Dr Kung, de l’Université du Delaware (États-Unis), portant sur des génisses a révélé une diminution de 11 % de la consommation d’aliments lorsque la ration avait chauffé. Pour contourner ce problème, l’éleveur peut retourner la ration et la distribuer plus fréquemment, en veillant à la distribuer aux heures les plus fraîches de la journée.

Au niveau de la traite, il faut réduire le temps passé dans le parc d’attente. Enfin, il est important d’apporter de l’eau, de l’eau et encore de l’eau !   La consommation d’eau augmente en même temps que la température et en période de grosses chaleurs, une vache peut boire 95 à 115 litres/jour. Pour optimiser l’eau de boisson, trois points clés sont à maîtriser. En premier lieu, la qualité de l’eau et sa température. Privilégiez une eau fraîche entre 10 à 15 °C. Le nombre d’abreuvoirs disponibles, leur longueur et leur placement sont essentiels. 

APPROCHE NUTRITIONNELLE : PRÉVOIR MINÉRAUX ET TAMPONS

En cas de hausse des températures, l’éleveur doit prévoir d’ajuster les teneurs en minéraux et tampons. Un litre de salive perdu correspond à une déperdition de 120 grammes de bicarbonate. Il est important d’augmenter la fréquence des repas et d’alimenter pendant les heures les plus fraîches de la journée. Les niveaux de fibres digestibles doivent être maintenus grâce à l’apport de fourrages de bonne qualité qui favorisent digestion et consommation. Les rations riches en fourrages permettent de réduire la température corporelle. Il faut également éviter les reprises en fermentation des rations dans les mélangeuses ou à l’auge. Enfin, la densité énergétique de la ration doit être augmentée en ajoutant de la matière grasse et en baissant l’amidon. La matière grasse protégée permet en effet d’apporter de l’énergie sans dégager de chaleur supplémentaire.

Attention, les sels d’acides gras (savons) dissociés par les pH bas libèrent leur huile dans le rumen. Il faut privilégier l’acide palmitique ou les matières grasses hydrogénées, plus chères mais plus adaptées en situation de stress thermique. Toutefois, il est important de ne pas diminuer les apports en acides aminés. Tous les apports d’antioxydants sont bienvenus, notamment les vitamines E et C, le sélénium, le zinc ou encore les polyphénols. L’ajout de bétaïne dans la ration va également faire partie de l’arsenal de solutions à la disposition des éleveurs. Rappelons enfin que la société Philéo a bâti tout un programme visant à combattre les effets du stress thermique sur les troupeaux. Plusieurs expérimentations menées en Italie et aux États-Unis ont démontré les effets bénéfiques des levures, des extraits pariétaux de levures ou encore du Sélénium organique pour juguler les conséquences néfastes du stress thermique .

Erwan Le Duc

 

POURQUOI MISER SUR LA BÉTAÏNE ?

LA BÉTAÏNE EST UN PIGMENT VÉGÉTAL ISSU DE LA BETTERAVE SUCRIÈRE. SON UTILISATION DANS L’EAU OU LA RATION DES ANIMAUX DE RENTE PERMET DE LIMITER LES EFFETS DU STRESS THERMIQUE. ELLE INTERVIENT DANS LA SYNTHÈSE DES PHOSPHOLIPIDES, CONSTITUANTS ESSENTIELS DES MEMBRANES DES CELLULES.

 

Plus connue dans les élevages avicoles et porcins, la bétaïne obtenue à partir de betteraves sucrières permet d’atténuer les effets du stress thermique sur les vaches laitières. Ainsi, une expérience récente (Shah et al., 2020) a étudié les effets de la bétaïne sur les performances de lactation, la fermentation du rumen et le profil antioxydant d’Holsteins. Trois lots homogènes de laitières produisant 22 litres (plus ou moins 2,5 litres) ont reçu soit une ration témoin, soit cette même ration avec un supplément de 15 g/jour/vache de bétaïne soit 30 g/j/vache de bétaïne en plus par rapport à la ration témoin. L’expérience a été conduite durant deux mois estivaux pendant lesquels l’indice THI a varié entre 72 et  88,7 (correspondant à un stress thermique modéré à sévère. Les vaches ont été nourries trois fois par jour avec accès à l’eau à volonté.  Au final, les vaches ayant bénéficié d’un supplément de bétaïne de 15 g/j ont ingéré un kilogramme de matière sèche en plus. Parallèlement, leur lait contient plus de protéines et de matière grasse. Ce groupe présente également des concentrations plus élevées en acides gras volatils dans le rumen. La production d’acétate ruminal a progressé alors que celle de propionate a diminué. Les concentrations en protéines microbiennes ont également augmenté par rapport aux deux autres groupes. Ceci témoigne d’une meilleure digestibilité de la matière sèche ingérée. Les chercheurs ont également étudié les marqueurs de l’inflammation dans le sang des vaches, là encore, l’utilisation de bétaïne a eu des effets positifs. 

 

 COMBIEN VA COUTER LE STRESS THERMIQUE ?

Un webinar organisé mi-mars par le magazine All About Feed a permis de présenter les effets du stress thermique en élevage. Pour les filières allaitantes et laitières, il faut s’attendre à des pertes économiques estimées à 5 % en 2045 et 9,8 % en 2085 au niveau mondial. Cette estimation se révèle plutôt optimiste car elle ne prend en compte que les chutes de productions générées par le stress thermique. Elle n’intègre pas les effets sur la santé des vaches et leur reproduction. D’autres évolutions sont à attendre avec notamment une migration de la production laitière vers les zones les plus septentrionales de l’hémisphère Nord. Dans l’hémisphère Sud ou dans la bassin méditerranéen, on s’attend à un développement de l’élevage des petits ruminants pour produire du lait et l’apparition de nouvelles stratégies génétiques. 

 

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