
Depuis le début de l’année, la tuberculose frappe en Dordogne et plusieurs élevages sont visés par une procédure d’abattage total. Entre résistance et résignation, les éleveurs concernés réclament un allègement du protocole réglementaire.
A Saint-Barthélémy-de-Bellegarde, dans le secteur de La Double en Dordogne, Amandine et Nicolas Béchade ont repris la ferme de leurs parents en 2013. « On l’a renommée l’EARL des Paysans d’autrefois. » Sur 80 hectares, ils élèvent une cinquantaine de vaches. Des limousines, des Montbéliardes, de l’Abondance et quelques croisées charolaises. Le troupeau pâture la plus grande partie de l’année. « Nous avons un lien très fort avec nos vaches, certaines ont 21 ans », commente Amandine. Mais en janvier dernier, lors de la campagne annuelle de prophylaxie, le couperet est tombé. Quatorze bovins ont réagi positivement au test de la tuberculose, pratiqué selon la méthode d’Intradermo-tuberculination comparative (IDC). « 24 heures plus tard, les services vétérinaires nous demandaient de faire partir les bêtes », raconte Amandine. « Nous avons demandé un second avis mais entre-temps, ma plus vieille vache est décédée et les tests PCR en laboratoire ont confirmé, 48 heures après, l’infection. » Un premier lot d’animaux part à l’abattoir. « En un claquement de doigt, vingt ans de génétique sont détruits. »
Une destruction morale
La spécialité de la ferme, c’est le veau sous la mère. « On s’inscrit dans une filière traditionnelle qui se retrouve jugée sur ses méthodes, sur ses prix de vente. Tout est soumis aux critiques lorsque vous êtes visés par une mesure sanitaire aussi destructrice », regrette Amandine. Depuis six mois, elle et son frère Nicolas ne se versent plus de salaires et bataillent pour conserver les animaux restants. « Abattre tout le troupeau, c’est notre arrêt de mort. » Un collectif « Sauvons nos vaches sur La Double » a vu le jour, regroupant plusieurs élevages périgourdins également testés positifs. Tous réclament la mise en place d’un abattage partiel, plus de transparence et de « fiabilité » dans les résultats d’analyses « non transmis aux éleveurs » ainsi qu’une harmonisation des méthodes de test. « La force du collectif, c’est d’avancer ensemble sur ces questions. Seuls, on est tout petits.» Après le choc de l’annonce, la prise en charge de l’abattage incombe à l’éleveur. « Il faut contacter le marchand de bestiaux pour l’enlèvement, le boucher qui voudra bien de nos animaux. » Deux experts évalueront les vaches, à la discrétion du boucher qui fera son prix. « Ensuite, l’Etat comblera la différence mais elle ne couvrira jamais la valeur réelle de nos bêtes », explique Amandine.
Accepter ou lutter
Résister à la procédure administrative a ses limites. « En réalité, si vous ne rentrez pas dans le rang, vous perdez vos chances d’être indemnisés et jusqu’à 30% du montant si vous ne repeuplez pas le troupeau dans l’année », dénonce l’éleveuse. « Donc, si vous voulez récupérer votre statut indemne, il faut se taire. » A Eyzerac, à moins d’une centaine de kilomètres de la ferme des Béchade, Serge Deschamps, éleveur bio, s’oppose lui aussi à l’abattage total de son troupeau touché par la tuberculose bovine. Début juin, il a entamé une grève de la faim. La préfecture de Dordogne a annoncé le 11 juin que les 14 bêtes lui restant bénéficieront d’un nouveau test. « Cela fait 40 ans que l’Etat fait abattre nos troupeaux. Serge sera un pionnier s’il parvient à faire bouger les lignes », assure Amandine Béchade.
NB