Viande bovine : accord sur les indicateurs de prix

L’interprofession bétail et viandes (Interbev) est parvenue, le 31 janvier, à un accord sur la méthode de calcul d’un indicateur de prix de revient en viande bovine, en dépit de l’abstention de Culture Viande (abattage-découpe). Les syndicats d’éleveurs se réjouissent prudemment.

La méthode de calcul des indicateurs retenue par Interbev, « basée sur le réseau Inosys (1), déjà validée par l’Observatoire de la formation des prix et des marges, est qualifiée de robuste par le Médiateur des relations commerciales agricoles lui-même », soulignent la Fédération nationale bovine (FNB) et Jeunes agriculteurs (JA) dans un communiqué commun du 31 janvier. « Le calcul établit l’indicateur de prix de revient (en l’appliquant par exemple aux chiffres de la conjoncture du second semestre 2017) à 4,64 €/kg carcasse pour une vache allaitante, 5,08 € pour une génisse, 4,50 € pour un jeune bovin et 3,08 € du kilo vif pour un broutard. Pour chaque catégorie, l’indicateur sera réactualisé tous les six mois pour prendre en compte l’évolution des charges des éleveurs (indice Ipampa) (2). Une fois par an, il sera également réactualisé au regard des évolutions des soutiens de la PAC. »

« Cette issue est le fruit d’un travail fastidieux de six mois pendant lesquels le syndicalisme agricole a pesé de tout son poids, tous les syndicats d’agriculteurs luttant pour une cause commune : la reconnaissance du coût de leur travail. La première étape franchie, il faut maintenant, et de façon concrète et opérationnelle, construire une contractualisation avec une formation du prix en marche avant pour que l’agriculteur ne soit plus la variable d’ajustement. Il appartient désormais aux acteurs économiques, dans le cadre de leur négociations commerciales, de définir la méthode d’élaboration du prix s’appuyant sur cet indicateur pour prendre en compte le prix de revient des éleveurs », soulignent la FNB et JA.

« 1 € de plus que les prix actuels » (CR)

« Surmontant les blocages de l’aval, les organisations nationales – à l’exception notable de Culture Viande, la principale fédération d’abattage, qui s’est abstenue – ont enfin validé la méthode débattue depuis bientôt un an », se félicite la Coordination rurale (CR) dans un communiqué du 1er février. « Cette méthode aboutit à un prix de revient moyen de 4,64 €/kg équivalent carcasse pour les vaches allaitantes, soit près d’un euro de plus que les prix pratiqués actuellement. » Un prix qui « intègre les différents postes de charge et une rémunération de l’éleveur basée sur 2 Smic ».

« Il serait cependant bien naïf de crier victoire. Les membres d’Interbev doivent encore s’accorder sur la manière dont cet indicateur sera diffusé, et surtout discuter de sa pondération par des indicateurs de marché. Cette pondération risque de diluer fortement les coûts de production. De plus, la CR regrette que cet indicateur ne soit utilisable que dans les contrats écrits, et qu’aucune réflexion ne soit menée sur la rémunération des éleveurs hors contrat. Si l’amélioration du revenu des éleveurs est encore loin d’être assurée, l’adoption de cette méthode permet toutefois d’afficher publiquement le manque à gagner qu’ils subissent depuis trop longtemps ! »

« Une avancée toute relative » (CP)

« Après avoir fait intervenir sans succès le médiateur, la filière bovine vient finalement de s’accorder sur des indicateurs de coûts de production, comme prévus par la loi Egalim », écrit la Confédération paysanne (CP) dans un communiqué du 1er février. « Les principaux groupes industriels privés et coopératifs, regroupés dans la fédération Culture Viande (Bigard, Elivia, Sicavyl, Arcadie…), se sont abstenus. Les distributeurs les ont validés. Ces indicateurs de coût de production ont deux finalités : ils pourront être utilisés comme référence dans les contrats et par les juges, lorsqu’ils seront saisis par des paysan-ne-s s’estimant lésé-e-s par des prix abusivement bas. »

« Mais nous ne sommes pas dupes de cet accord à minima. La filière bovine est une filière où les industriels n’acceptent de contractualiser que sur une part infime des volumes, donc ce dispositif sera très peu opérant. Quant à son utilisation pour déterminer si un prix est « abusivement bas », les juges devront aussi tenir compte du prix de marché avant de déterminer si les pratiques des acheteurs sont effectivement abusives… et donc passibles de condamnation ! (…) En refusant de se positionner pour tenir compte des coûts de production de leurs adhérents, les principaux abattoirs coopératifs justifient notre position : contrairement à ce qu’affirme Coop de France, l’ordonnance Coopération de la loi Egalim, qui soumet les coopératives au mécanisme du prix abusivement bas comme n’importe quel industriel, n’est pas une « aberration » (3), mais une nécessité ! », estime la CP.

BC

(1) Inosys Réseaux d’élevage est un dispositif partenarial associant des éleveurs volontaires et des ingénieurs de l’Institut de l’élevage et des Chambres d’agriculture. Cette plateforme a pour finalité la production de références sur les systèmes d’élevage herbivores à destination des éleveurs et de leurs conseillers.

(2) Ipampa : Indice des prix d’achat des moyens de production agricole

(3) Dans un communiqué du 23 janvier, Coop de France fait valoir que « plaquer la notion de prix abusivement bas au contrat d’apport coopératif ou dessaisir le médiateur de la coopération au profit du médiateur des relations commerciales est une aberration qui rompt l’équilibre de la relation entre l’associé coopérateur et sa coopérative », laquelle « ne saurait être assimilée à une relation entre un fournisseur et un client. »

A lire également : Viande bovine : la médiation dans une impasse (19 décembre 2018)

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