Le rapport 2025 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) a été présenté ce 9 juillet 2025 par sa présidente, Sophie Devienne.
Comme chaque année et conformément à la loi, il a été remis au Parlement. Dans la filière laitière, il met en exergue les marges de la grande distribution et des industriels. En 2024, celles-ci ont progressé au détriment des prix d’achats du lait. Le suivi des prix et des marges brutes des produits laitiers de grande consommation (PGC) révèle des dynamiques économiques contrastées selon les produits. S’il est essentiel d’analyser chaque produit individuellement pour des raisons de méthode, l’industrie laitière et la grande distribution adoptent une vision globale, intégrant l’ensemble du rayon laitier. À partir des données de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) publiées dans le rapport 2025, nous analysons ici trois produits emblématiques : le lait UHT demi-écrémé, le yaourt nature et l’emmental.
Lait UHT demi-écrémé : stabilité relative des équilibres
Entre 2023 et 2024, le prix de détail moyen du lait demi-écrémé UHT a progressé de 3 %, atteignant 1,09 €/litre. Cette hausse s’est accompagnée d’une augmentation de la marge brute des distributeurs (+3 %) et, plus fortement, de celle des industriels (+14 %). Parallèlement, le coût d’achat de la matière première par les transformateurs a reculé de 10 %.
En moyenne sur la période 2015-2024, la répartition du prix de détail hors TVA montre une relative stabilité :
- La part de la matière première (prix du lait payé au producteur, déduction faite de la valorisation des coproduits) oscille entre 29 et 35 %.
- La part de la transformation varie davantage, entre 32 et 42 %, reflétant la volatilité des cours des coproduits comme le beurre ou la poudre de lait.
- La part de la grande distribution reste stable autour de 30 %, bien qu’une légère baisse soit observée depuis 2022.
Cette configuration témoigne d’un équilibre relativement stable entre les différents acteurs, malgré les effets conjoncturels sur les marges industrielles.
Yaourt nature : une redistribution des marges au profit de la GMS
Le yaourt nature se distingue par une évolution marquée de la structure des marges. En 2024, le prix moyen en grande surface atteint 2,31 €/kg, en hausse de 0,7 % par rapport à 2023. Mais cette augmentation masque une redistribution importante :
- La marge brute de la grande distribution diminue de 2 % sur un an, mais a fortement progressé sur la décennie, passant d’environ 20 % à plus de 33 % du prix hors TVA.
- La marge de l’industrie augmente de 7 % en 2024, après plusieurs années de recul relatif.
- Le coût d’achat de la matière première, déjà le plus faible des trois produits étudiés (environ 15 % du prix HT), diminue de 12 % en 2024.
Le yaourt nature est ainsi le seul PGC laitier suivi pour lequel la GMS a vu sa part progresser aussi nettement au détriment de l’industrie. Ce basculement pose la question du partage de la valeur ajoutée sur un produit à forte valeur transformée.
Emmental : un produit sous tension industrielle
L’emmental, fromage à forte intensité laitière (12 litres de lait pour 1 kg produit), connaît une dynamique différente. En 2024, le prix moyen au détail atteint 9,18 €/kg, en légère baisse de 1 % par rapport à 2023.
Cette baisse s’accompagne :
- d’un recul de 1 % de la marge brute GMS,
- d’une hausse significative (+13 %) de la marge industrielle,
- d’un recul de 5 % du coût d’achat de la matière première.
L’emmental reste le produit pour lequel la transformation capte la plus forte part du prix final, en raison des coûts d’affinage, de l’intensité en lait et de la complexité logistique. La valorisation du lactosérum – coproduit principal – joue également un rôle clé dans la variabilité du coût de la matière première.
Conclusion : une filière à géométrie variable
L’analyse croisée des trois produits révèle des logiques de formation des marges distinctes. Là où le lait UHT présente une stabilité globale, le yaourt nature illustre une dynamique favorable à la distribution, tandis que l’emmental demeure marqué par des coûts de transformation élevés. Ces observations soulignent l’importance de raisonner en équation laitière globale, comme le font les industriels, et non produit par produit. Elles rappellent aussi le besoin d’une gouvernance partagée des filières, capable de garantir un équilibre durable entre les maillons, notamment en période de forte volatilité des prix agricoles ou des coproduits.
Erwan Le Duc