La santé du rumen : clé de voûte de la performance laitière

Lors d’une réunion technique organisée par Lallemand, Franck Gaudin, nutritionniste, est revenu sur l’importance de la bonne santé du rumen, clé de voûte du succès des élevages nord-américains.  

De l’autre côté de l’Atlantique, les meilleurs troupeaux suivis par le nutritionniste Franck Gaudin affichent de solides performances. Ainsi, sur un total de 5 627 vaches suivies par ce cabinet de spécialistes, la production moyenne culmine à 42,8 kg de lait/vache laitière (VL). Le meilleur cheptel, constitué de 150 laitières, atteint même une moyenne de 50,3 kg/VL. Les taux sont également au rendez-vous, si bien qu’en lait standard, nous arrivons sur 46,8 kg. Tout aussi remarquable sinon plus : l’efficacité alimentaire moyenne s’élève à 1,74. Dans certains cheptels, elle culmine même à 1,88 ! Cela signifie que pour un kilogramme de matière sèche ingérée, ces vaches produisent 1,88 kg de lait ! L’efficacité alimentaire constitue en effet le cheval de bataille du nutritionniste et cela passe en premier lieu par la bonne santé du rumen. Pour maximiser l’efficacité alimentaire, il s’agit de bien gérer l’apport des glucides dégradables dans le rumen, d’apporter aux vaches de la fibre digestible et de surveiller les profils d’amidon. En effet, tous les profils d’amidon ne se valent pas. Cette observation reste valable pour la fibre dont la digestibilité est variable. L’objectif visé consiste à maximiser la production de protéines microbiennes dans le rumen. Au final, cela aboutira à augmenter la production de matière utile dans le lait. Il faut retenir que le rumen fournit 50 à 60 % des acides aminés. Les protéines microbiennes se distinguent par leur profil idéal pour la transformation en lait. C’est une source d’acides aminés digestibles économiques qui permet de produire plus de lait et de booster le TP (1). Leur action sur les fibres permet également de produire des acides gras à chaîne courte (C2 ou C4) qui sont des précurseurs d’acides gras longs au niveau des mamelles. Ils permettent ainsi d’améliorer les TB (2)

QUELS SONT LES CRITÈRES À OBSERVER ?

Dans les analyses de fourrage nord-américaines, les nutritionnistes s’appuient sur des critères très précis pour vérifier la qualité des fourrages. Ainsi, pour la fibrosité, ils prennent en compte la NDF (3) digestible à 12 heures. Pour déterminer la digestibilité de l’amidon, ils se réfèrent au critère in situ Rumen Starch (4) à 3 heures. Ces critères permettent de s’assurer de la bonne digestibilité de la ration. Franck Gaudin a d’ailleurs insisté sur le fait que les rations “françaises” non rien à envier à celles distribuées aux vaches américaines. Ainsi, analyses chimiques à l’appui, ce nutritionniste constate que les ray-grass italiens apportent de la fibre plus digestible que la luzerne (fourrage de base outre-Atlantique). Les fibres digestibles sont essentielles, elles participent aux fermentations ruminales et à la production d’acide gras à chaîne courte, précurseurs de près de la moitié des acides gras du lait. Outre ces données chimiques, Franck Gaudin mesure, au sein des élevages, le pourcentage de fibre réellement efficace pour la vache. Pour ce faire, il a, bien entendu, recours au tamis Penn State. Seules les fibres dont la taille est supérieure à 4 mm sont intéressantes pour la vache. De ces éléments, Franck Gaudin va déterminer la peNDF (5) qui est exprimée en pourcentage de matière sèche. Elle est égale à la fibre efficace multipliée par le pourcentage de NDF de la ration. Idéalement, cette peNDF doit se situer entre 15 et 20 %. En dessous, le risque d’acidose est important. Au-dessus de ce seuil, on freine la quantité de matière sèche ingérée. Pour maîtriser le pH et éviter l’acidose, l’expert préconise de recourir aux levures vivantes ou à l’oxyde de magnésium micronisé. L’intérêt des levures est d’augmenter la colonisation des champignons sur les particules de fourrages, ce qui permet à la cellulose d’être plus disponible pour les bactéries. En France, les informations disponibles concernant les fourrages sont moins complètes. Il est toutefois possible de mesurer la peNDF. Le critère dMo (5) reste quant à lui un élément important à prendre en compte. 

 

POURQUOI L’EFFICACITÉ ALIMENTAIRE EST UN CRITÈRE ÉCONOMIQUE ESSENTIEL ?

EFFET DE DIFFÉRENTS NIVEAUX D’EFFICACITÉ ALIMENTAIRE SUR LES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES DE L’ÉLEVAGE POUR UN CHEPTEL DE 140 VACHES PRODUISANT 45 KG/VL

Efficacité alimentaire de 1,4 Efficacité alimentaire de 1,6 Efficacité alimentaire de 1,8
Matière sèche ingérée (kg/VL) 32,4 28,3 25,2
Matière sèche de fourrages (kg/VL) 19,6 15,3 12,3
Coût ration en €/VL/jour 9,26 € / j 9,25  € / j 9,30  € / j
Besoin annuel en fourrage  1 001 t de MS 782 t de MS 629 t de MS
Surfaces fourragères nécessaires (maïs)  77 ha 60 ha  49 ha

 

Franck Gaudin a étudié les effets de la variation de l’efficacité alimentaire sur les performances économiques d’un élevage. Ainsi, avec une efficacité alimentaire de 1,4, un éleveur possédant un cheptel de 140 vaches doit produire 1 001 t de MS de fourrage pour assurer un niveau de production de 45 kg de lait/VL. Ce qui, dans l’hypothèse du nutritionniste (75 % de maïs à 15 t/ha et 25 % d’herbe à 7 T/ha), représente 77 ha de production fourragère. Avec une efficacité alimentaire de 1,6, l’éleveur devra stocker 782 t de MS de fourrages, soit 60 ha. Enfin, si l’efficacité alimentaire culmine à 1,8, les besoins en tonnage et surface chutent respectivement à 629 t et 49 ha ! Dans cette hypothèse, cela représente un gain de 49 ha que l’éleveur pourra consacrer aux cultures de vente. Ces calculs, bien entendu théoriques, illustrent les bienfaits d’une bonne efficacité alimentaire du troupeau. 

ERWAN LE DUC

  1. TP : taux protéique
  2. TB : taux butyreux
  3. NDF : initiales de l’anglais Neutral Detergent Fiber ou fibres insolubles dans les détergents neutres
  4. Starch : c’est le mot anglais pour amidon
  5. peNDF : de l’anglais physically effective neutral detergent fiber pour fibre détergente neutre physiquement efficace
  6. dMo : digestibilité de la matière organique

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