La cour des comptes a publié un rapport peu flatteur sur la gestion des chambres d’agriculture : régionalisation inachevée, manque de transparence dans l’attribution de financement, charges salariales qui progressent, manque d’accompagnements des agriculteurs dans les transitions…

« Neuf ans après la réforme de 2016, la régionalisation du réseau des chambres d’agriculture reste largement inaboutie », déplore la cour des comptes. L’État avait pourtant fixé comme objectif une meilleure efficacité grâce à la mutualisation des moyens et à la fusion des structures départementales. En 2025, seules cinq chambres de région ont réellement fusionné, et les chevauchements entre les niveaux régional et départemental persistent.
Le maintien du poids des chambres départementales freine la construction d’une véritable organisation régionale. Pour y remédier, la Cour recommande dans son rapport de généraliser les chambres de région, dotées de chambres territoriales de proximité, d’un mode d’élection harmonisé à l’échelle régionale et d’une réforme de la taxe de frais de chambres (TFCA), qui devrait être répartie au niveau national ou régional.
Une intégration du réseau encore trop limitée
La tête de réseau, Chambres d’agriculture France (CDAF), a commencé à se structurer depuis 2019, avec un premier projet stratégique commun, suivi en 2021 d’un contrat d’objectifs et de performances signé avec l’État. L’inscription de ses missions dans le code rural en 2022 marque une étape importante.
Mais selon la Cour de comptes, cette intégration reste fragile. CDAF ne parvient pas encore à faire appliquer ses décisions en matière de gestion des ressources humaines, de systèmes d’information ou d’audit interne. La loi d’orientation agricole du 24 mars 2025 lui confère pourtant un pouvoir normatif et de sanction qu’il lui faudra désormais pleinement exercer. «De son côté, l’État doit renforcer une tutelle encore trop faible, tant sur le plan budgétaire que juridique.» La Cour appelle également à une vigilance accrue face aux irrégularités récurrentes observées dans certaines chambres : absentéisme des élus, subventions irrégulières à des syndicats, prises de participation non encadrées, ou manquements à la probité .
Recentrer les missions sur les transitions agricoles
Le réseau des chambres d’agriculture exerce aujourd’hui des missions très diverses, mais souvent dispersées. Le nouveau contrat d’objectifs devra recentrer l’action sur quelques priorités essentielles : accompagner les agriculteurs dans les transitions économiques, environnementales et sanitaires.
Dès 2026, les chambres seront responsables de l’identification animale, puis de l’installation et de la transmission dans le cadre du programme France Agriculture Services à partir de 2027. Le développement d’un conseil stratégique global, l’accélération de la transition numérique — notamment via le portail Mes Parcelles —, et un engagement renforcé en faveur de l’agroécologie, de l’agriculture biologique et de la gestion durable de l’eau et des forêts figurent parmi les priorités à venir.
Des finances à rendre plus transparentes et efficaces
Sur le plan financier, la Cour pointe un manque de lisibilité. Le réseau reste financé aux trois quarts par des fonds publics, principalement par la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TATFNB), dont le produit est reparti à la hausse depuis 2023. Pourtant, la situation économique des chambres demeure hétérogène, avec des déficits croissants, notamment en Corse et dans les départements d’outre-mer, où les difficultés agricoles sont plus marquées.
Les charges salariales continuent d’augmenter, et les prestations facturées ne compensent pas toujours la baisse des autres ressources. La Cour recommande un suivi plus rigoureux de l’utilisation des fonds publics dans le prochain COP, la mise en place d’une comptabilité analytique pour éviter les subventions croisées, ainsi qu’une certification systématique des services rendus. D’ici 2026, une consolidation automatisée des données financières du réseau doit permettre une meilleure transparence.
Vers une refondation stratégique en 2025
L’année 2025 doit marquer une étape clé pour les chambres d’agriculture. La redéfinition du contrat d’objectifs et du projet stratégique devra traduire les avancées réalisées depuis 2022 tout en accélérant les réformes nécessaires.
Objectif : construire un réseau plus intégré, plus lisible et plus efficace, capable d’accompagner collectivement les agriculteurs dans les transitions majeures qui transforment aujourd’hui le modèle agricole français.
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