Accord sur l’assurance récolte

Députés et sénateurs sont parvenus à un compromis sur la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, définitivement approuvé le 24 février 2022 par le Parlement.

Le projet de loi finalisé le 16 février en commission mixte paritaire (CMP) « retient les taux de franchise et de subvention aux primes d’assurance les plus avantageux permis par le droit européen, respectivement 20 % et 70 %, tout en obtenant que l’État interviendra dès 30 % de pertes pour les filières les moins assurées comme les prairies (des demandes portées par la FNB, NdlR) et qu’il rendra plus transparent le système par le biais de taux d’intervention publique pluriannuels », indique le Sénat dans un communiqué.

Par ailleurs, la commission tripartite associant l’État, les exploitants agricoles et les assureurs sera « le vrai pilote du nouveau système d’indemnisation des pertes de récoltes (…) Toutes les filières agricoles seront consultées par cette commission avant la remise de ses recommandations. »

Par ailleurs, certains freins à la souscription d’un contrat d’assurance par les agriculteurs « ont été levés pour favoriser la réussite de la réforme : incitation à la prévention par une minoration de la prime d’assurance, révision des surfaces minimales à couvrir dans les contrats, préservation d’un droit de contestation pour les évaluations des pertes, y compris par un système indiciel, réflexions pour réformer la moyenne olympique. »

BC

LES REACTIONS

« Une avancée majeure » (FNSEA, JA)

Le compromis trouvé par la CMP constitue « une avancée majeure pour la FNSEA et Jeunes Agriculteurs pour affronter demain le défi du changement climatique », saluent les deux syndicats dans un communiqué. « Nous saluons les parlementaires et particulièrement les rapporteurs de ce projet, Frédéric Descrozaille et Laurent Duplomb, qui ont su bâtir un cadre législatif équilibré garantissant aux agriculteurs une visibilité sur des outils de gestion des risques profondément réformés. »

« FNSEA et JA se félicitent de l’adoption de ce texte conforme aux engagements du Président de la République pris le 18 mai 2021 lors du Grand Rendez-vous de la souveraineté alimentaire organisé par le Conseil de l’Agriculture Française, ainsi que lors de l’annonce officielle du dispositif, à l’occasion des « Terres de Jim » le 10 septembre 2021. La ligne est désormais tracée. Mais, sans attendre, le travail doit se poursuivre pour une concrétisation dès janvier 2023. »

« Avec des enjeux budgétaires cruciaux et des textes d’application techniques à construire, le chantier ouvert pour l’année 2022 s’annonce particulièrement dense. Ne perdons donc pas de temps et agissons avec méthode et concertation. D’ores et déjà, la phase de consultation préalable à l’élaboration de l’ordonnance visant à encadrer la future offre assurantielle a débuté. Elle doit aboutir rapidement. Dès la promulgation de la loi, la concertation avec les représentations des filières et l’ensemble des parties prenantes devra s’engager au sein de la commission chargée de l’orientation et du développement des assurances (Codar). »

« FNSEA et JA participeront activement aux échanges de manière constructive dans le même état d’esprit qui nous a animé collectivement tout au long des travaux du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique puis des débats parlementaires : construire les outils qui permettront, demain, de défendre notre souveraineté alimentaire ! », conclut le communiqué.

« Non à cette réforme » (Modef)

« Le gouvernement veut encourager les agriculteurs à s’assurer. Moins de 30 % le sont actuellement, 1 % chez les éleveurs et 6 % chez les arboriculteurs. Le système assurantiel privé est inadapté aux paysans car les contrats ne permettent pas de compenser les pertes (franchises, seuils de déclenchement, problèmes d’estimations…). D’autre part, pour les éleveurs, viticulteurs, arboriculteurs, cette assurance reste inaccessible, en particulier pour toutes les exploitations qui dégagent de très faibles revenus », estime le Modef dans un communiqué du 21 février.

« L’objectif de la réforme proposée est à terme la couverture par l’assurance multirisque climatique (MRC) d’un maximum de surface agricole utile (SAU). Au regard des taux de diffusion insuffisants, le Gouvernement poursuit son objectif pour 2030 d’atteindre a minima 60 % de couverture des surfaces en viticulture, grandes cultures et légumes d’industrie, et 30 % en arboriculture et prairies et autres cultures peu assurées. »

« Ce déploiement de la MRC va permettre à terme de réduire la part de l’intervention publique directe et d’augmenter la part d’intervention privée. Dans le rapport de Mr Descrozaille, il est préconisé de ne plus faire intervenir le Fonds National de Gestion des Risques Agricoles (FNGRA) pour indemniser des pertes de récoltes pouvant relever de contrats d’assurances. Ce choix marque un tournant politique, avec la volonté d’abaisser progressivement le niveau de garantie publique pour assurer le développement de l’assurance privée. Le Modef s’oppose au projet de loi réformant l’assurance-récolte. »

« Le Modef demande la création d’un régime d’assurance mutuel aléas climatiques et sanitaires prenant en compte l’ensemble des acteurs économiques encadré par l’État. Cette caisse mutualiste d’assurance basée sur le régime des calamités agricoles fait appel à la solidarité avec :

– un financement mettant à contribution les agriculteurs à 25 %, et 75 % par le reste des parties prenantes (l’État, les assureurs, l’agroalimentaire, la grande distribution et les banques),

– un montant d’indemnisation équivalent à 100 % des pertes subies. »

« Un texte important » (coopératives)

La Coopération Agricole (LCA) « salue l’adoption de ce texte important, qui offre notamment aux coopératives la possibilité de constituer une provision pour aléa climatique, au service de la résilience des exploitations des associés-coopérateurs (…) L’article 5 bis offre donc désormais la possibilité aux coopératives de constituer une provision comptable qu’elles pourront débloquer en cas d’aléa agricole ou climatique. Autrement dit, les coopératives pourront désormais réserver une part de leur marge opérationnelle les années favorables pour la redistribuer à leurs associés-coopérateurs lors d’années moins fructueuses afin de compenser les pertes et ainsi d’assurer la pérennité des exploitations », explique LCA dans un communiqué du 24 février.

« Désormais, les travaux sur les ordonnances et les décrets doivent avancer rapidement pour disposer au plus vite des outils assurantiels nécessaires à notre souveraineté alimentaire : le travail collaboratif avec l’ensemble des parties prenantes sera déterminant pour y arriver ! »

« Face à la multiplication des aléas météorologiques (sécheresses répétées, gels tardifs, grêle…), ce texte, tant attendu, permettra de mieux couvrir les agriculteurs contre ces risques et contribuera à garantir la souveraineté alimentaire de la France », déclare Dominique Chargé, président de LCA. « La possibilité pour les coopératives de constituer une provision pour aléa climatique permettra de renforcer le rôle essentiel qu’elles jouent dans la gestion des risques de leurs adhérents, au service de la pérennité des exploitations. »

A télécharger :

Réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (ministère, 1er déc. 2021)

Le modèle assurantiel au défi des risques systémiques (CESE, 13 avril 2022)

 

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