L’industrie laitière au rapport

Deux nouvelles études éclairent d’un jour complémentaire les interactions entre élevage laitier, transformation et distribution.

« L’amont de la filière laitière a subi de plein fouet le renchérissement des coûts de production généré par la crise ukrainienne, exacerbé par un épisode de sécheresse sévère », écrit le Crédit Agricole dans la dernière livraison de son Observatoire financier des entreprises agroalimentaires (mars 2024). « Malgré des prix payés aux producteurs atteignant des niveaux records, la collecte laitière en France a enregistré un déclin en 2022 qui s’est poursuivi de manière préoccupante en 2023. Pendant ce temps, nos voisins européens ont profité de ces opportunités conjoncturelles pour augmenter leur production. »

En 2023, poursuit le Crédit Agricole, « les entreprises ont pu profiter d’un effet de rattrapage avec une revalorisation des prix validée en début d’année et qui s’est appliquée progressivement à partir du 1er semestre. L’inflation sur les produits alimentaires s’est accélérée pour atteindre des hausses de prix supérieures à 20 % pour les produits laitiers. Les ventes en volume ont globalement affiché une stabilité remarquable qui masque néanmoins une tendance confirmée de descente en gamme au profit des MDD. Le bio et les AOP subissent toujours des arbitrages défavorables de la part des consommateurs. La baisse continue des ingrédients laitiers en 2023 et notamment des poudres a mis à mal les rentabilités des spécialistes. »

« Globalement, les baisses de matières premières industrielles ont permis aux entreprises de stabiliser les prix sortie usine. En revanche, le prix des matières premières agricoles reste à un niveau relativement important comparé aux prix récents pratiqués par nos voisins européens. En effet, la production laitière régresse encore, ce qui soutient les prix payés à la ferme. Ainsi, les marges industrielles sont impactées et les problématiques de compétitivité par rapport à nos voisins européens sont bien visibles. À ceci s’ajoutent la hausse des coûts salariaux et des difficultés de recrutement », note encore le Crédit Agricole.

« La crise agricole est une crise de compétitivité »

De son côté, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) publie un plaidoyer (1) d’une trentaine de pages tendant à démontrer que « les relations de la grande distribution avec la filière alimentaire font souvent l’objet d’idées reçues ou de contrevérités ». A commencer par les marges nettes respectives (2) des uns et des autres : 11,9 % pour les industriels internationaux (Kraft Heinz, General Mills, Nestlé…), 8,6 % pour les industriels français (Danone, Bel, Savencia…), 0,7 % pour les distributeurs français (Carrefour, Auchan, Casino).

Par ailleurs, « la crise agricole est d’abord une crise de compétitivité », soutient la FCD. « L’amont agricole français est en effet confronté à de profondes difficultés structurelles : coûts de production élevés, perte de vitesse sur les marchés d’exportation, inadaptation de l’offre à la demande intérieure, transition agroécologique… Indéniablement, l’agriculture française a de nombreux défis à relever. » Le rapport cite en exemple le rendement laitier des vaches danoises (9 989 kg/an) ou françaises (7 276 kg), avant de conclure que « les vaches danoises sont 37 % plus productives que les vaches françaises ».

La FCD explique ensuite que « la grande distribution alimentaire est loin d’être l’unique débouché des exploitants agricoles. Exportations, industries de la transformation et restauration hors foyer comptent en effet parmi les débouchés structurels de l’amont agricole ». Exemple avec les produits laitiers qui trouvent 35 % de leurs débouchés dans la grande distribution alimentaire (c’est 48 % pour la viande bovine), contre 40 % à l’exportation, 19 % dans la restauration hors foyer et 6 % dans d’autres circuits commerciaux. Traduction : la part des revenus des éleveurs laitiers provenant des ventes en grande distribution ne dépasse pas 25 %, et celle concernée par les négociations tarifaires annuelles à peine 15 % (23 % et 10 % respectivement en viande bovine), toujours selon la FCD.

BC

(1) « Les relations de la grande distribution avec la filière alimentaire », FCD, 26 mars 2024

(2) Résultat net du groupe rapporté au chiffre d’affaires consolidé

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