La filière viande au bord de la crise

L’inflation mine la consommation de viande, au moment où la contractualisation commence à être respectée.

La contractualisation obligatoire, progressivement entrée en application depuis janvier 2022 (loi Egalim 2), est sortie de la marginalité, à en juger par les données divulguées le 5 septembre à Paris par Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev, devant l’assemblée générale de l’industrie des viandes (Culture Viande). Sur le premier semestre 2023, les entreprises de l’abattage et de la transformation ont contractualisé 30 % des jeunes bovins de race à viande, 46 % des jeunes bovins laitiers, 14 % des génisses et des vaches allaitantes et 10 % des vaches laitières. Ces deux derniers chiffres sont très insuffisants, « alerte » Emmanuel Bernard : « Il faut absolument contractualiser sur les femelles pour arrêter la décapitalisation. »

Ce n’est pas gagné, ont constaté plusieurs intervenants. « La France a perdu 850 000 vaches entre la fin 2016 et la fin 2022, et encore 3 % d’allaitantes et 2,5 % de laitières à la fin juin 2023 sur un an », constate Baptiste Buczinski (Institut de l’élevage). « Pourquoi ? En raison de moindres entrées de génisses dans les cheptels. » Jean-Paul Bigard (Groupe Bigard) « ne voit pas comment on va arrêter l’hémorragie, en dépit d’années 2021 et 2022 sympa et économiquement intéressantes pour les éleveurs. Attention à la suite. La consommation de viande bovine est en chute libre depuis le début de l’année. Du jamais-vu depuis la crise de la vache folle. Pour nos entreprises, c’est très compliqué. Elles croulent sous les stocks alors qu’elles ne pouvaient livrer leurs clients qu’à hauteur de 60 ou 70 % de leurs attentes il y a moins d’un an », explique-t-il en substance. Jean-Paul Bigard évoque un autre « coup de massue : le prix de l’énergie. Beaucoup de nos clients ne vont pas s’en remettre. » Selon Culture Viande, les entreprises de la filière devaient dépenser quatre fois plus pour ce poste en 2023.

« Nos filières sont en danger »

L’intervention de Pascale Hebel, une spécialiste de la consommation (C-Ways), a achevé de plomber l’ambiance. « Les ménages ont réduit leurs achats de viandes de boucherie de 3,2 % au premier semestre 2023, et ceux de produits élaborés de 4,7 %. Du jamais-vu en trente ans. C’est pire que pour l’habillement. Il y a peu de chance que les volumes remontent, même à Noël. 60 % des Français disent qu’ils n’ont pas les moyens de manger des protéines animales un jour sur deux, ce qui montre que la déconsommation s’étend aux classes moyennes. »

« Nos filières sont en danger. Nous allons avoir besoin d’encore plus de solidarité dans nos filières », a conclu Gilles Gauthier, président de Culture Viande (notre photo). Aussi forme-t-il le vœu que la personnalité qui lui succédera le 20 septembre prochain sera élue, comme lui, à l’unanimité du conseil d’administration.

BC

A télécharger :

Bulletin hebdomadaire des filières ruminants (Interbev, 21 sept. 2023)

Population bovine au 1er août 2023 (FranceAgriMer, 12 sept. 2023)

Regards d’avenir sur l’élevage en France (Chambres d’agriculture, septembre 2023)

Dégradation du commerce extérieur agroalimentaire (ministère de l’agriculture, 8 sept. 2023)

Conjoncture des viandes rouges (FranceAgriMer, 31 août 2023)

Consommation d’énergie dans l’agroalimentaire (FranceAgriMer, août 2023)

La consommation de viandes en 2022 (FranceAgriMer, juillet 2023)

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