L’agriculture peau de chagrin

La filière agricole devrait perdre 40 000 emplois d’ici à 2030, dont la moitié dans les exploitations, plus souvent dans l’élevage que les grandes cultures.

Un rapport sur Les métiers en 2030 publié par France Stratégie (institution autonome placée auprès du Premier ministre) et le ministère du travail prévoit que l’emploi va continuer à se réduire dans le secteur agricole, qui a perdu 45 000 emplois depuis 2008. « Dans l’agriculture, secteur historiquement à forts gains de productivité, l’emploi continuerait à se contracter dans la décennie à venir et ne représenterait plus que 2 % de l’emploi national en 2030 – contre 3 % en 2019 et 4 % en 2000. La part du secteur dans la valeur ajoutée totale resterait toutefois équivalente, à 1,5 %. »

« En l’absence d’inflexion majeure dans la répartition des aides agricoles, le secteur devrait perdre 40 000 emplois entre 2019 et 2030, poursuivant la tendance à la concentration des exploitations et à la diminution de l’élevage plus intensif en main d’œuvre au profit des grandes cultures mécanisées. Les gains de productivité se poursuivraient, poussés par l’innovation et la pression concurrentielle qui s’accroît en dépit du caractère encore relativement protégé et localisé de la production agricole en France et en Europe (notamment du fait de la politique agricole commune et de l’attention portée aux circuits courts dans les territoires). »

Robotique et qualité

« La robotique, considérée comme un « investissement d’avenir », continuerait sa percée dans l’agriculture, améliorant la performance et limitant les pénuries de main d’œuvre. La valeur ajoutée se maintiendrait, avec des produits plus chers, de meilleure qualité et plus « individualisés ». La demande alimentaire devrait de fait croître en qualité et en quantité : la demande intérieure serait portée par la consommation domestique – accrue par le télétravail – d’une population en croissance et la demande mondiale par la hausse du revenu des émergents et par le rapprochement des modes de consommation. La transition bas carbone limiterait la baisse de l’emploi dans l’agriculture à 20 000 postes dans la décennie à venir. L’agroécologie et la croissance de la production biologique ont en effet un contenu en emploi plus élevé qui se manifesterait essentiellement dans le maraîchage, soutenu par un accroissement de la consommation de fruits et légumes. »

« Comme dans l’industrie, les professionnels de l’agriculture n’occupent pas tous des emplois dans le secteur agricole. Les agriculteurs, éleveurs et sylviculteurs qui exercent quasi exclusivement dans l’agriculture continueraient certes de perdre des emplois dans la décennie à venir (23 000 emplois en moins, soit un repli de 5 %), mais il n’en va pas de même des autres métiers. Les maraîchers, jardiniers et viticulteurs occupent ainsi également des fonctions d’aménagement paysager dans les secteurs des activités administratives et de soutien et dans les services généraux de l’administration. Ces deux secteurs seraient soit créateurs d’emplois pour le premier, soit moins destructeurs d’emplois que l’agriculture pour le second. Au total, l’emploi dans ces professions se stabiliserait entre 2019 et 2030. »

Plus de cadres et techniciens agricoles

« Quant aux cadres et techniciens de l’agriculture, ils sont majoritairement employés dans d’autres secteurs que l’agriculture, essentiellement dans les services aux entreprises et le commerce qui créeraient de l’emploi en projection : ils gagneraient donc 7 000 emplois entre 2019 et 2030 (soit une progression de 11 %). La persistance de craintes sanitaires avantagerait l’ensemble des professions agricoles dans le scénario Covid+ (10 000 emplois supplémentaires créés par rapport au scénario de référence), les inquiétudes sur la traçabilité des produits se renforçant. L’atteinte des objectifs climatiques dans le scénario bas carbone favoriserait surtout les agriculteurs et les sylviculteurs. Le développement de modes de production agroécologiques et biologiques, plus intensifs en main-d’œuvre, et l’entretien de la forêt et de la biomasse permettraient de préserver dans ces professions 15 000 emplois supplémentaires par rapport au scénario de référence », anticipe encore le rapport.

BC

A lire également : Des chiffres sur le déclin relatif de l’élevage (10 déc. 2021)

A télécharger :

Davantage d’installations en 2021 (MSA, 13 déc. 2022)

L’avenir du modèle agricole européen (Parlement UE, avril 2022)

Le recensement 2020 analysé par les Chambres d’agriculture (page 4)

Contribution des Chambres d’agriculture à la durabilité alimentaire (28 juillet 2022)

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