L’élevage dans le plan de relance

Julien Denormandie a détaillé, le 3 septembre, le volet agricole du « plan de relance » post-covid du gouvernement, doté de 1,2 milliard d’euros.

Le volet agricole du plan de relance se fixe trois objectifs, indique le ministère de l’agriculture : « renforcer la souveraineté alimentaire ; accélérer la transition agroécologique pour donner accès à tous les Français à une alimentation saine, durable et locale ; et adapter l’agriculture et la forêt au changement climatique ».

La « reconquête » de la souveraineté alimentaire de la France est dotée de 364 millions d’euros (M€) : 100 M€ sont crédités à un plan protéines végétales (1) visant à « diminuer fortement l’importation des protéines destinées à l’élevage » ; 250 M€ vont à un ensemble de mesures en faveur de la modernisation des abattoirs, de la biosécurité en élevage, de l’élevage en plein air et du bien-être animal ; enfin, pour assurer le renouvellement des générations en élevage, « une campagne grand public sera lancée pour faire connaître les 200 métiers et formations de l’agriculture et l’agroalimentaire et les besoins en recrutement ».

La transition agroécologique est dotée de 546 M€. Une des ambitions affichées est d’amplifier la conversion vers le bio et la certification haute valeur environnementale (HVE) via le maintien du crédit d’impôt bio et la création d’un crédit d’impôt HVE, un renforcement du fonds Avenir bio et une aide à la structuration de ces filières. Par ailleurs, une prime à la conversion des agroéquipements (250 M€) permettra aux agriculteurs d’investir dans des « outils plus sobres en ressources ». Le jeune installé pourra bénéficier d’un accompagnement pour réaliser un bilan carbone de son exploitation et identifier les axes de progrès. Sont également prévues la plantation de 7 000 km de haies et la gestion durable de 90 000 km de haies existantes.

L’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique est dotée de 300 M€. Sont notamment prévus un accompagnement des agriculteurs dans la gestion de la ressource en eau ou la diversification des cultures, la recherche de semences plus résistantes, une aide à l’investissement dans des équipements de protection contre la grêle ou le gel, ainsi qu’un « grand plan de reboisement des forêts françaises ».

BC

(1) Un appel à projets pour le « soutien à l’investissement dans des secteurs stratégiques pour la résilience de notre économie » est ouvert jusqu’au 17 novembre 2020 par le ministère chargé de l’industrie et Bpifrance. Peuvent notamment en bénéficier les « produits transformés à base de nouvelles sources de protéines végétales pour l’alimentation humaine et animale (algues, insectes, soja, pois, féverole, tournesol, colza, notamment) » ainsi que la transformation et la conservation de la viande de boucherie.

LES REACTIONS

« Il faut que l’intendance suive » (FNSEA)

Le plan de relance du Gouvernement « intègre le secteur agricole. C’est une première satisfaction pour la FNSEA qui l’avait fortement porté lors de sa première rencontre avec le Premier ministre. La deuxième satisfaction concerne les moyens fléchés vers les exploitations agricoles, leur amont et leur aval. Un milliard d’euros sont dédiés à l’agriculture et il faut y ajouter les mesures transversales du plan de relance qui vont impacter très directement le secteur : relocalisation des industries agro-alimentaires dans les territoires, investissements dans les technologies d’avenir, investissements dans les énergies décarbonées, plan de soutien à l’export, lutte contre l’artificialisation des sols… Difficile de donner un chiffre définitif et global, mais les attentes affichées figurent bien dans le plan, à une hauteur autorisant l’ambition (…) Mais nous serons extrêmement vigilants à la traduction du Plan de relance dans les faits et à son accompagnement par des politiques fiscales, sociales et européennes qui oriente l’agriculture vers la triple performance environnementale, sociale et économique. Une agriculture compétitive au sens large du terme, car sans compétitivité, il n’y aura pas de souveraineté. Pour cela, nous rappelons que doivent faire partie des priorités : l’agriculture de précision et les outils du numérique, le développement des énergies renouvelables issues de la biomasse, la recherche et l’innovation dont le développement de produits de biocontrôles et autres alternatives nécessaires à la transition agroécologique de la Ferme France. »

Des « miettes conjoncturelles » (Coordination rurale)

La Coordination rurale (CR) « salue l’esprit de ce plan qui prévoit des mesures sur l’autonomie protéique, les besoins de main-d’œuvre, ou encore la relocalisation de l’alimentation, y compris dans la restauration hors domicile. Pour la CR, toutes les mesures qui visent à donner de l’autonomie aux exploitations agricoles vont dans le bon sens. Cependant, les objectifs annoncés ne sont pas en rapport avec le maigre budget qui sera consacré à l’agriculture : 1,2 milliard seulement sur ce plan de relance global de 100 milliards d’euros. Aussi, pour être à la hauteur des enjeux du monde agricole, ce plan doit s’inscrire dans un projet stratégique lié à la Pac et qui passe par un engagement politique pour une exception agri-culturelle. À titre d’exemple, sur l’autonomie protéique, la CR demande qu’on se souvienne des échecs des précédents plans protéines lancés par la France. Tant que les importations de protéines en provenance de pays hors UE ne seront pas taxées, les cultures protéagineuses ne seront pas rentables pour les agriculteurs européens. Aussi, l’autonomie protéique réelle et durable ne peut passer que par une stratégie européenne. »

Un « saupoudrage » (Confédération paysanne)

« Au regard des enseignements de la crise et de l’explosion de la précarité alimentaire, l’enjeu agricole et alimentaire aurait nécessité plus qu’un aussi maigre pourcentage sur l’enveloppe des 100 milliards d’euros et exigé la refonte des politiques agricoles et alimentaires », estime la Confédération paysanne. « Ce plan de relance était une opportunité pour réorienter les systèmes agricoles et alimentaires, secteurs indispensables au bon fonctionnement de nos sociétés. Au lieu de cela, la transition agricole et alimentaire ne bénéficiera que de saupoudrage, via des appels à projet, sans réelle impulsion sociale et écologique (…) Si le gouvernement ne revient pas sur sa politique de libre-échange et n’accompagne pas ce plan de mesures de protection – via la maîtrise et la régulation des marchés et des volumes – il sera sans effet. Car sans politique de rupture, comme demandé dans notre plan Protéger-Installer-Socialiser, les effets ne seront que marginaux sur les dynamiques territoriales, sur la valorisation du travail paysan et sur l’accessibilité à une alimentation locale et de qualité pour toutes et tous. »

BC

A télécharger :

Le volet agricole du plan de relance

Le plan de relance (3 septembre 2020)

Rétablir la santé des terres pour une agriculture durable (Union internationale pour la conservation de la nature, sept. 2020)

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