« Un lait à 450 €/1000 l »

Sophie Lenaerts, 53 ans, vient de prendre la tête de l’Organisation des producteurs de lait (OPL) à l’occasion du congrès de la Coordination rurale (CR), le 5 décembre à Compiègne (Oise). Elle succède à Véronique Le Floc’h, qui a souhaité « pleinement se consacrer à son mandat de secrétaire générale de la CR ».

Venus de Belgique en 1991, Sophie Lenaerts et son mari ont d’abord travaillé comme salariés dans une ferme de l’Aisne, avant de s’installer, en 1993, sur une exploitation de polyculture-élevage à Roy-Boissy, dans l’Oise. Les deux associés sont aujourd’hui épaulés par deux salariés, dont leur fille. Les 87 Prim’Holsteins à la traite permettent de livrer 800 000 litres de lait « au top de la qualité – plutôt les taux que les volumes » – à l’usine Danone de Ferrières-en-Bray (Seine-Maritime), distante d’une quinzaine de kilomètres. Le nuage de fumées et de suies lâché le 26 septembre par l’usine rouennaise Lubrizol a épargné leurs pâtures, mais pas celles de leur voisin éleveur… La responsable de l’OPL s’est néanmoins « impliquée, aux niveaux départemental, régional et national, au nom de la Coordination rurale, pour tous les collègues qui ont été touchés ».

La « priorité » de Sophie Lenaerts : « un lait à 450 €/1000 l », conforme à la recommandation de l’European Milk Board (1), dans lequel elle s’investit également, comme aussi dans Faire France. Ce niveau de prix est parfois moqué, regrette-t-elle, alors que la formule de calcul approuvée par l’interprofession (Cniel), où elle siège déjà, conduit à un coût de production moyen de « 422 €/1000 l sur les cinq dernières années ». « 450 €/1000 l, ce n’est pas seulement un prix de marché. C’est une marge de sécurité en comptabilité. C’est l’entretien des outils et des bâtiments au service du sanitaire. C’est ce qui permet de se faire remplacer ou d’embaucher. C’est ce qui permet d’installer un jeune et, au moment de la transmission, de ne pas léser les enfants qui ne reprennent pas la ferme. Si les finances ne suivent pas, l’éleveur n’est pas motivé, il n’est pas passionné, il ne peut pas être attentif aux attentes de la société. Le but, ce n’est pas l’élitisme, c’est de tirer tout le monde vers le haut. Sinon, on ne peut pas parler de progrès humain ».

« Le tout sociétal, ce n’est pas réaliste »

Sophie Lenaerts reconnaît que cela n’a pas toujours été facile, pour elle et son mari, d’arriver de Belgique. « On ne nous a pas ouvert les portes tout de suite ». Mais son engagement dans les groupes d’éleveurs, puis au niveau syndical, lui a permis de mesurer la diversité de l’élevage laitier français. « Tout le monde n’a pas le même parcours d’installation. J’ai compris que l’ensemble des exploitations n’étaient pas bâties comme la nôtre, que certaines marchaient mieux, d’autres moins bien, mais qu’il fallait s’intéresser à toutes. » S’ouvrir au reste de la population aussi : elle reçoit des groupes d’écoliers, d’handicapés, et propose des produits crémiers en animation.

Sa participation aux Etats généraux de l’alimentation (EGA) l’a laissée amère. « Nous étions 62 dans mon atelier : des producteurs, des industriels, des consommateurs, les banques alimentaires, des ONG… Cela n’a pas été simple de trouver un fil conducteur. Chacun venait y chercher des informations plus qu’autre chose. Il y a quand même eu un consensus pour dire que les produits agricoles devaient être mieux rémunérés. La société française est passée d’un extrême à l’autre. Elle voulait des prix bas, et maintenant c’est le tout sociétal. Ce n’est pas réaliste. Pourtant, aucune profession ne s’est autant remise en question que les agriculteurs. Que faire de plus pour avoir des prix ? » Ah si, peut-être : tailler dans les dépenses de communication, de promotion, ou la mise au point de nouvelles « chartes », qui engloutissent, selon elle, des « sommes phénoménales ». Et les ajouter sur les feuilles de paie du lait…

BC

(1) L’EMB réunit 20 organisations laitières européennes qui défendent « la régulation de la production et des prix rémunérateurs » grâce à des outils tels que le Programme de responsabilisation face au marché (PRM).

 

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